Egypte : Constitution adoptée, population divisée

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Les Egyptiens ont été 63,8 % à se prononcer en faveur du projet de loi fondamentale, selon les résultats officiels du référendum qui a eu lieu les 15 et 22 décembre.
 « Cette Constitution sera celle de tous » les Egyptiens, a commenté le premier ministre, Hicham Qandil, alors que l’opposition, de son côté, a répété qu’elle rejetait les résultats. « Les procédures légales suivent leur cours après les plaintes que nous avons déposées auprès du parquet pour les violations et fraudes constatées », a rapporté à l’AFP Khaled Dawoud, le porte-parole du Front du salut national, la principale coalition de l’opposition.
 Les Etats-Unis ont affirmé que le président Morsi avait « la responsabilité d’agir d’une façon qui reconnaisse le besoin urgent de mettre fin aux divisions, de bâtir la confiance et d’élargir le soutien au processus politique ». Quant à la responsable de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui note que le taux de participation à ce scrutin a été de 32,9 %, elle a appelé dans un communiqué « toutes les parties au dialogue afin de progresser vers la démocratie ».
 L’opposition considère que le texte, rédigé par une commission dominée par les islamistes, porte atteinte à certaines libertés et ouvre la voie à une islamisation plus importante de la législation. Pour le camp présidentiel, la nouvelle Constitution permettra de doter l’Egypte d’un cadre institutionnel stable après la période de transition tumultueuse qui a suivi la chute de Hosni Moubarak, le 11 février 2011. La crise qui a secoué le pays est la plus grave depuis l’élection en juin de M. Morsi. Huit personnes ont été tuées au début de décembre dans des affrontements d’une rare violence, au Caire.
Le Monde du 26/122012

 La victoire en trompe-l’œil du président Morsi

Edito LE MONDE | 25.12.2012
Avec la confirmation par la commission électorale des résultats du référendum sur la Constitution égyptienne, tenu les 15 et 22 décembre, le président Morsi a remporté son pari. Mais à quel prix ? Certes, 63,8 % des Egyptiens ont donc approuvé le projet de Loi fondamentale qu’il leur a soumis, balayant ainsi les objections d’une opposition hétéroclite, qui rejetait tant le fond du texte – trop liberticide et d’inspiration trop islamiste – que la manière dont il a été imposé, c’est-à-dire en force et sans concertation.
Mais cette majorité est un trompe-l’oeil. Les résultats sont entachés de lourds soupçons de fraude, à tel point que le président de la commission électorale s’est défaussé, officiellement pour raisons médicales, entre les deux tours de scrutin. L’on a ainsi vu des bureaux de vote laissés sans supervision d’un juge, des présidents de bureau ralentissant les opérations de vote sciemment dans les quartiers réputés favorables à l’opposition, des bulletins de vote non numérotés, des électeurs intimidés, etc. Autant de pratiques qui rappellent les dérives passées du régime d’Hosni Moubarak.
Quelle valeur peut aussi avoir une consultation à laquelle à peine un tiers des électeurs ont participé ? L’adoption de la nouvelle Constitution, qui clôt symboliquement près de deux années de transition, a approfondi les divisions entre Egyptiens au lieu de les rassembler autour d’un projet commun. Il y a désormais les islamistes et les autres. Le président Morsi en porte la responsabilité.
Depuis le début de la campagne pour le référendum, il s’est davantage comporté en chef de parti qu’en président de tous les Egyptiens, bafouant l’Etat de droit et l’indépendance de la justice pour passer en force. Les Frères musulmans, dont il est issu, ont transformé la consultation en référendum sur Dieu : celui qui vote non à la Constitution n’est pas un bon musulman, a-t-on ainsi entendu dans les mosquées et les meetings politiques, attisant les craintes de ceux qui voient dans ce texte les prémices d’une théocratie.
Ce n’est pas le moindre paradoxe que, au moment où le président islamiste égyptien divise son pays, il reste populaire dans les chancelleries occidentales. Auréolé de son élection réellement démocratique en juin 2012, il tire encore les bénéfices de sa médiation entre Israël et le Hamas palestinien, lors de la guerre brève et violente qui les a opposés en novembre.
Il ne faudrait pas que les Egyptiens soient sacrifiés sur l’autel de la stabilité régionale. Les pays occidentaux, qui ont salué la transition démocratique égyptienne, ne rachèteront pas leur long aveuglement passé envers l’autocratie de M. Moubarak en ignorant celle qui pourrait bien être en train de se mettre en place sous la houlette de M. Morsi. Leur rôle est de rappeler que l’essence de la démocratie ne se résume pas à la victoire des urnes, mais tient aussi au respect de la minorité et des règles de l’Etat de droit.
Dans les turbulences qu’elle traverse, l’Egypte a plus que jamais besoin de l’aide financière internationale : cette dernière doit s’accompagner de conditions claires en matière de respect des normes démocratiques.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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