Le mystère de l’île flottante

Le Canard Enchaîné du 23 janvier 2013 –
« Battre les blancs d’œufs en neige très ferme, mélanger le sucre et la vanille, verser dans un moule à timbale… »
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Dans n’importe quel livre de cuisine, la recette de l’île flottante est invariable : il faut des œufs , du sucre, du lait et de la vanille. Quatre ingrédients, point. Mais comme  le remarquent les auteurs d’un excellent petit ouvrage « Manger bio, c’est mieux ! « , ça c’est la recette de l’île flottante. La version moderne n’a rien à voir. Non seulement l’île flottante industrielle comporte pas moins de 17 ingrédients, mais, tour de force insurpassable, elle supprime carrément les œufs ! Oui, une île flottante sans œufs, c’est possible. Et c’est signé Yoplait.
publicite-yoplaitRappel : la marque à la petite fleur, numéro 2 mondial des produits laitiers ultra frais avec 1,7 million de tonnes de yaourts et desserts lactés vendus chaque année dans le monde, pèse 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et cela fait belle lurette qu’elle n’a plus grand-chose à voir avec le sympathique regroupement d’éleveurs laitiers né dans les années 60. Aujourd’hui, la marque Yoplait est contrôlée par le géant américain Général Mills, sixième groupe agroalimentaire sur la planète, avec, entre autres, dans le caddie, Géant vert, Choco BN et Häagen-Dazs.
Subtilement rebaptisée « île gourmande », l’île flottante signée Yoplait est un dessert lacté « original » et « idéal pour toute la famille ». L’astuce, c’est qu’on y a troqué les œufs contre des protéines de lait. Lesquelles ont l’immense avantage d’être moins chères… Le tout assaisonné d’une tripotée d’additifs et d’arômes, comptez-en six rien que pour faire le caramel, mais aussi d’émulsifiants, comme le E472b ou le E471, de gélifiants, le E401 et le E407, de colorants, le E100b et le E160 pour les touches jaune et orange, ou encore d’un épaississant, le E415, lequel présente un double atout : il a le même pouvoir visqueux que le blanc d’œuf et il retient l’eau. Parce que, dans son île gourmande, Yoplait met plein de flotte, ce qui apporte du poids et du volume pour des clopinettes.

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Applaudissons : cet ovni culinaire raconte parfaitement l’industrialisation de notre assiette. Avec 300 additifs autorisés pour émulsifier, amidonner, colorer, épaissir, allonger la date de péremption et tutti quanti, l’industrie agroalimentaire a gaiement « chimiqué » nos aliments. Et nous enchante la vie. Allez, tous ensemble : « Bravo Yoplait, bravo la petite fleur ! »
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Date de parution : 04 octobre 2012 /Nombre de pages : 160 – 5,00€

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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