Police – Répression du graffiti : Ces policiers férus de tags

Ce groupe travaille à la répression du graffiti dans le métro et sur les voies ferrées, dans toute l’Ile-de-France. On y dénombre environ 300 graffeurs.
 Les préjudices pour la SNCF et la RATP atteignent 3 millions d’euros chaque année. Quant aux tagueurs, ils risquent jusqu’à sept ans de prison, et 100 000 euros d’amende.  (…) » Lu sur Le Monde Académie
Le Monde 24 janvier 2013

Ces policiers férus de tags qui traquent les graffeurs dans le métro

Ils sont capables de dire si un tag a été réalisé de la main gauche ou de la main droite. Simplement en l’observant. Au fil des heures passées à compulser des livres et à consulter des forums, ils sont devenus experts en graffiti. Leur bureau ressemble à l’atelier du parfait petit tagueur. Les bombes de peintures s’étalent sur les étagères, des graffiti sont exposés au mur. Mais attention. Ici, on ne tague pas. On poursuit les graffeurs. Bienvenue à la brigade anti-tag.

atagg_bienvenue-a-la-brigade-anti-tag_f23e175032ee195ef82234ba0c244d66

Ce groupe travaille à la répression du graffiti dans le métro et sur les voies ferrées, dans toute l’Île-de-France. On y dénombre environ 300 graffeurs. Les préjudices pour la SNCF et la RATP atteignent 3 millions d’euros chaque année.  Quant aux tagueurs, ils risquent jusqu’à sept ans de prison, et 100 000 euros d’amende.
Ils sont cinq. Cinq fonctionnaires de police passionnés de graffiti – « graffiti vandales» précisent-ils en permanence, redoutant d’être pris pour des chasseurs d’artistes. Cinq fonctionnaires qui ne comptent pas les heures passées à cette tâche. Y compris en dehors du temps de travail.
« Quasiment de la graphologie »
« Il y a beaucoup d’investissement personnel », admet le chef de groupe. Ses lunettes rectangulaires, très strictes, tranchent sur son gilet à capuche avachi. Comme ses hommes, il tient à rester anonyme. « Peur des représailles ». « Je n’ai pas envie de me faire taguer la porte de mon appartement tous les jours », s’emporte son collègue, barbe noire et pull vermillon. « Et puis, c’est un milieu dangereux, on doit penser à notre famille ».
Une seule personne accepte de donner son nom : Emmanuelle Oster, commissaire de police à la brigade des réseaux ferrés, dont dépend la brigade. Son nom a déjà été tagué sur des rames de métro. Qu’importe, elle ne mâche pas ses mots quand il s’agit des graffeurs considérés comme vandales. «  Les tags abîment les systèmes de fermeture des portes et les vitres du métro. Et ils génèrent un sentiment d’insécurité. Vous vous sentez en sécurité dans un métro tagué, vous ? »

atagAncienne-gare-SNCF-Massena--vue-laterale--graffiti

Pour lutter contre ces graffeurs, le groupe anti-tag travaille main dans la main avec la SNCF et la RATP. Quand de nouveaux graffiti sont relevés dans le métro, la RATP remet aux policiers un devis accompagné de photos des tags. En particulier des « blazes », les pseudonymes, sortes de signatures que les graffeurs laissent derrière eux. La brigade travaille à partir de leur analyse.
« C’est quasiment de la graphologie », explique le chef de groupe. Les membres de la brigade travaillent à rattacher à chaque tagueur le blaze qui lui correspond. Le ou les blazes, car certains en ont plusieurs. Pour cela, il leur est arrivé « une ou deux fois » de faire appel à un graphologue. Mais la plupart du temps, ils se débrouillent seuls. « Et on obtient des résultats, souligne Emmanuelle Oster. Actuellement, nous élaborons un fichier en cours de déclaration auprès de la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés], rattachant chaque signature à une personne ».
Leur but ? Parvenir à imputer au tagueur la totalité de ses tags, c’est à dire, de ses dégradations. Une méthode qui porte ses fruits : en octobre 2012, le préjudice imputé à une bande de graffeurs atteignait 700 000 euros.
« Mais c’est aussi beaucoup de boulot de flic », précisent-ils. L’analyse des graffiti n’est qu’un point de départ à des investigations policières classiques. « On n’est que des flics, pas des experts en art », résume Emmanuelle Oster.
« Comme des trophées »
 « Les gars de la brigade ? Ils aiment le graff autant que nous ! » ROBER – il ne révèle que son blaze –, 18 ans, a longtemps fait partie des tagueurs du métro. Jusqu’à sa convocation par la police, il y a deux ans. Il s’en est tiré sans histoire, mais il a immédiatement arrêté. Le groupe anti-tag, il s’en souvient. « Dans le genre cow-boy, ils sont numéro unDans leur bureau, il y a les photos des grands graffeurs attrapés, comme des trophées ».
Ces photographies s’étalent sur l’un des murs de la brigade. Contrastant avec le reste de la pièce. Comme pour rappeler qu’on est bien à la Police. Ambiance tableau de chasse. De face, de profil, de trois-quarts, les visages se suivent. Barrés de rouge. Sous chaque cliché, un mot. SMAPE. MORKA. TISKO. CLI. Les blazes des graffeurs qui sont passés entre ces murs.
La pièce est duale. Entre passion et répression.  « Ils nous pourchassent tout le temps, explique ROBER. Malgré tout, quand ils t’arrêtent, ils ont du respect pour toi. Ils connaissent ton ‘’travail’’. On est un tout petit milieu. Qu’ils le veuillent ou non, ils en font partie ».
Respect? Les membres de la brigade ne vont pas jusque là. Mais ils reconnaissent que « lors des auditions, on échange, on discute du milieu… Après tout, nous sommes leurs seuls interlocuteurs », observe le chef du groupe.
« Se faire arrêter par la brigade, c’est comme une médaille, estime ROBER. Tu es allé à GDN, Gare du Nord, et tu en es ressorti ». Les locaux de la brigade étaient situés Gare du Nord jusqu’en 2011. Depuis, ils ont déménagé, mais le surnom est resté.
La double vie des graffeurs
« Chez les graffeurs, on a tous les profils », explique le chef du groupe, qui se souvient de cet ingénieur chez Renault, marié et père de famille, qui descendait tous les soirs taguer des métros. « Ils ont une double vie ».

ataggraffiti

Contrairement à l’idée répandue, les graffeurs vandales n’ont pas grand-chose à voir avec le profil type du « voyou ». « La plupart sont bien installés dans la société, ajoute Emmanuelle Oster. Ils peuvent travailler dans une banque, et, le soir, troquer le costume-cravate contre une bombe de peinture ».
atagbombe-peinture-graffiti-MaquisArt_comQuelle peut-être la motivation d’un cadre supérieur pour descendre taguer des métros tous les soirs ? «  C’est la dégradation », assène sèchement la commissaire Oster. « Et un égo surdimensionné. Taguer les métros et les trains leur permet de faire voyager leur signature. »  ROBER a une autre explication. « Le graff, c’est un sport, un sport extrême. Il y a de l’adrénaline, et tu ne peux plus t’en passer. Et, dans cet univers, il n’y a pas de nom, juste un blaze. On ne sait pas si tu t’appelles Mamadou ou Jean-François, si tu es riche ou pauvre, d’où tu viens ».
Les policiers, eux, contestent cette vision plutôt romantique, qualifiant le milieu de « très dangereux ». Lors des « perquises », il n’est pas rare qu’ils découvrent « des armes à feu, des clefs de stations de métro, des plans détaillés. Ce sont des méthodes du grand banditisme appliquées au graffiti ».
Sport entre copains ou grand banditisme, chacun campe sur sa position, dénigrant le camp d’en face. A un rythme de près de 150 interpellations par an, la brigade anti-tag a souvent le dernier mot.

ataggraffiti-ile-de-france-20_08_12-SUAR

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Justice, Police, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.