Prêts à tout ? : Sommes-nous prêts à vivre dans un monde où la prostitution morale, la vulgarité, le lynchage public, le profit deviennent les valeurs centrales ?

LE MONDE | 23.02.2013 Par Liana Levi, éditrice ; Martine Laval, journaliste ; Joëlle Losfeld, éditrice
Ce texte a été signé par :
Michèle Capdequi, libraire; Kathleen Evin, journaliste; Liana Levi, éditrice; Martine Laval, journaliste; Joëlle Losfeld, éditrice; Christelle Mata, attachée de presse; Annie Morvan, éditrice; Yannick Poirier, libraire; Annette Wieviorka, historienne
Journalistes, éditeurs, auteurs, libraires, sommes-nous prêts à tout pour sauver nos professions ? C’est la question que nous devons nous poser aujourd’hui face à la parution fortement médiatisée du texte de Marcela Lacub
Voici une femme qui, afin de  publier un ouvrage qu’elle prévoit fortement relayé, dit avoir entretenu une liaison « pour être en mesure d’écrire ce livre », et elle ajoute : « Il s’agirait d’une sorte de reportage… » Prêts à tout, les auteurs, pour faire un best-seller ?
Et voici une maison d’édition qui a inscrit à son catalogue Stefan Zweig, Virginia Woolf, Isaac Singer, qui retrousse ses manches pour défendre un livre douteux. Prêts à tout, les éditeurs, pour avoir un titre dans la liste des meilleures ventes ?
Et voici un hebdomadaire engagé à gauche qui consacre à cet ouvrage 6 pages. On nous dit que « ce livre fera date ». Ce qui est certain, c’est qu’il fera du bruit et que la presse écrite, les radios et les télés relaieront à tour de bras... Prêts à tout, les journalistes, pour faire un numéro mémorable en ventes, ou de l’audience ?
Sur une chose, nous ne pouvons que donner raison à l’hebdomadaire qui a lancé cette affaire et à tous les journalistes qui lui ont emboîté le pas. Ce livre fera date. La date où l’édition aura signé son arrêt de mort, la date où les éditeurs seront devenus non pas des catalyseurs de littérature, d’idées, de recherche, mais des vendeurs de papier et d’e-books racoleurs. Si personne ne réagit. Celle où les journaux de contenu cesseront de paraître parce qu’on leur préférera définitivement la facilité et le sensationnel. Si personne ne réagit.
 Sommes-nous prêts à vivre dans un monde où la prostitution morale, la vulgarité, le lynchage public, le profit deviennent les valeurs centrales ?

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Débats Idées Points de vue, Médias, Résistance, est tagué , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.