Unedic – Le niveau d’indemnisation du chômage en France n’est pas plus élevé que la moyenne européenne

Siné Mensuel N°18 mars 2013-  Pierre Concaldi – membre des Economistes Atterrés *
La Propagande de l’Unedic 
Malgré les nombreuses idées reçues, un chômeur sur deux n’est pas indemnisé en France et le niveau d’indemnisation n’est pas plus élevé que celui de la moyenne européenne.
854082075Selon la Cour des comptes, « La France figure parmi les pays d’Europe offrant l’un des accès les plus ouverts à l’indemnisation du chômage ». Pourtant, moins d’un demandeur d’emploi sur deux bénéficie de l’assurance chômage; avec les prestations d’assistance (principalement l’Allocation de solidarité spécifique), ce pourcentage atteint péniblement 57%. Selon l’OCDE, c’est beaucoup moins que dans nombre de pays européens. Et ça ne s’est pas arrangé depuis l’éclatement de la bulle financière en 2008. Entre fin 2008 et fin 2012, le nombre de demandeurs d’emploi indemnisables a augmenté de plus de 30%, le nombre de ceux qui étaient indemnisés de 20%. Le taux de couverture a baissé. Une baisse contestée par les gestionnaires de l’Unedic qui ont inventé un nouveau concept, celui d’allocataires… non indemnisés ! Il s’agit principalement de chômeurs en « activité réduite » qui conservent un droit à l’indemnisation mais ne perçoivent rien car ils ont un peu trop travaillé dans le mois. Comme ils se de plus en plus nombreux à se dépanner par des petits boulots, tout baigne pour l’Unedic.
Le niveau d’indemnisation est-il plus élevé en France qu’ailleurs ? Pas évident non plus. Globalement, on dépense en France environ 1,5% du PIB pour indemniser les chômeurs. C’est un peu plus que la moyenne européenne… mais avec un taux de chômage moyen plus élevé. Résultat : comparée au salaire moyen, l’indemnisation par chômeur se situe dans la moyenne des pays européens, au même niveau qu’en Allemagne, mais bien inférieure à l’indemnisation des pays nordiques ou des pays du Sud. Pas de quoi pavoiser.
Les « droits rechargeables » figurant dans l’ANI** (Accord National Interprofessionnel) n’y changeront rien. D’abord, parce que c’est un accord de principe dont les modalités restent à négocier. Ensuite, parce qu’il n’est pas question de dépenser un euro de plus. Ce qui sera donné à certains chômeurs sera pris à d’autres. Chômeurs, aidez-vous les uns les autres, l’Unedic ne le fera pas pour vous !
chomeurs-fin-droit-quils-crevent-L-2On ne dépense pas plus pour indemniser les chômeurs, mais les accompagne-t-on mieux ? Pas vers l’emploi, en tout cas. D’après un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), il y a pour les missions de conseil et de placement deux fois plus d’effectif par chômeur dans les services d’emploi allemands et britanniques qu’en France. En revanche, les chômeurs français sont fortement accompagnés… vers la radiation. Une situation qui est devenue si insoutenable que le médiateur de Pôle emploi y a consacré fin janvier son dernier rapport pour demander de mettre fin à la radiation systématique pour absence aux rendez-vous. La réponse sera pour le moment… statistique : Pôle emploi a annoncé une baisse de 10 000 à 30 000 du nombre de radiations pour janvier 2013. C’est pas beau la statistique ?
**ANI (Accord National Interprofessionnel)
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Crédit Photo: Faujour
Le 6 mars, le conseil des ministres enregistrera le projet de loi transposant l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier entre le Medef et trois syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC). Cet accord donne pleinement satisfaction aux exigences du patronat contre les salariéEs, dans la continuité du démantèlement du code du travail engagé par Sarkozy et la droite. Par la suite, ce projet sera soumis à l’approbation du Parlement probablement début avril.
Au nom de la course à la compétitivité, cet accord vise à baisser le coût du travail, c’est-à-dire les salaires, à accroître la flexibilité et à faciliter les licenciements. Il est possible d’imposer au patronat et au gouvernement de remballer leur mauvais coup, à condition de ne pas craindre l’affrontement.
* Les Économistes Atterrés est un collectif de chercheurs, universitaires et experts en économie, regroupés, avec d’autres citoyens non économistes, en une association créée le 22 février 2011 dont l’action consiste à impulser la réflexion collective et l’expression publique des économistes qui ne se résignent pas à la domination de l’orthodoxie néo-libérale.
Leur action se traduit par des publications (notes, articles, communiqués, livres) et des interventions lors de réunions publiques, dans les médias qui les sollicitent, afin de proposer des alternatives aux politiques d’austérité préconisées par les gouvernements actuels et à l’impact macroéconomique des nouvelles stratégies boursières des entreprises.
Ils se sont fait connaître à l’automne 2010 en publiant un Manifeste d’économistes atterrés, dans lequel ils font une présentation critique de dix postulats qui continuent à inspirer chaque jour les décisions des pouvoirs publics partout en Europe, malgré les cinglants démentis apportés par la crise financière et ses suites, et face auxquels ils mettaient en débat vingt-deux contre-propositions.

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