Pourquoi l’économisme et la rigueur vont tuer la démocratie

Charlie Hebdo  – 13 mars 2013 – Oncle Bernard
Au fond, les économistes et les politiciens libéraux rêvent de dictature.
Pourquoi vos voitures ne sont-elles pas bridées ? Parce que les Allemands, qui font des grosses berlines, ne veulent pas. Pourquoi l’euro ne baisse-t-il pas, alors que l’article 219 du traité de Lisbonne prévoit que la BCE peut gérer le taux de change ? Parce que les Allemands ne veulent pas. Pourquoi les États sont-ils contraints par l’équilibre budgétaire, qui, en ce moment, tue l’activité et fait exploser le chômage ? Parce que les Allemands l’exigent. Encore quelques années de cette politique à front bas, et Le Pen sera à 25%.
imagesCA1S0YWYLa hausse de l’euro par rapport au dollar a une conséquence particulièrement dramatique : l’endettement privé des entreprises et des ménages ne se réduit pas. Jusqu’alors, l’endettement privé était beaucoup plus fort aux États-Unis que dans la zone euro. La politique particulièrement laxiste de la banque fédérale a permis de faire baisser les taux d’intérêt, de dévaloriser les dettes et d’accroître relativement le revenu par rapport à ces mêmes dettes. Exactement le contraire de ce qui s’est passé en zone euro.
Comment le petit père Hollande peut-il inverser sa courbe du chômage dans un pays où la croissance de la population active est plus forte qu’ailleurs ? Pas de miracle. Une seule solution : partager le travail. Le partager de façon très désagréable en transformant le temps complet en temps partiel, en inventant des petits boulots non répertoriés dans le chômage, en dispensant ici et là les pauvres de s’inscrire à Pôle emploi, en diminuant dans des accords collectifs d’entreprises les heures ouvrées. Il y a de la marge : la moyenne hebdomadaire du temps de travail aux Pays-Bas, pays sans chômage, est de 30 heures, contre 35,1 en France. Les 35 heures de Jospin, honnies, avaient ramené le taux de chômage autour de 7% (il est vrai que la conjoncture était alors particulièrement favorable).
untitledJ’entame avec bonheur Le théorème du lampadaire, de Jean-Paul Fitoussi(1). Macroéconomiste, keynésien, qui a lu Marx, connaît sur le bout des doigts les sornettes contées par les « micro-économistes » (les libéraux si l’on préfère). Tout vient de ce que nous [les économistes] sommes incapables de concevoir la notion de seuil, de rupture, de renversement. Nous ne concevons le futur que comme linéaire, lisse, probabilisable. D’où les sottises inqualifiables des traders, qui les répèteront. C’est ainsi que la stabilité des prix et le dogme de la désinflation compétitive se révélèrent compatibles avec la plus grande catastrophe financière du siècle. Et Fitoussi de reprendre une de ses idées fortes (que nous partageons) : la méfiance pour la démocratie conduit à une politique économique aberrante. Et la défiance pour la démocratie conduit la politique des puissants. Car, au fond, qui ne rêve du modèle chinois chez nos puissants ? Des policiers, des travailleurs semi-esclaves et de gros profits.

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John Quiggin parle de « zombie economics » pour désigner les idées mortes qui errent parmi nous : la recherche à tout prix de la compétitivité, le chacun pour soi, la croyance en « la concurrence libre et non faussée ». Au bout des « zombie economics« , la fin de l’Europe et l’avènement de dictatures plus ou moins molles, ou peu de nantis, beaucoup de policiers et beaucoup de pauvres attendront l’apocalypse écologique. « Je m’interroge depuis longtemps sur les raisons qui poussent une majorité d’économistes, dont certains parmi les meilleurs, à investir leur intelligence dans la construction de théories dont la complexité le dispute à l’inutilité !« 
Ah ! cher Jean-Paul ! Eh oui ! Il y a une raison :  ces gens sont les cautions « scientifiques » d’une idéologie profondément antidémocratique. oui, antidémocratique puisque l’économiste leur dit: tu dois faire comme ceci.
(1) Editions Les liens qui libèrent- 20 euros

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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