Environnement – Une vingtaine de projets de géothermie profonde attendent le feu vert du gouvernement pour débuter.

LE MONDE | 17/18/03/2013 Extrait

La France mise sur l’eau chaude pour s’éclairer

Les professionnels sont unanimes : « Ça bouge dans la géothermie. » Ils ne parlent pas des pompes à chaleur pour maisons individuelles ou bâtiments collectifs. Ni des réseaux de chaleur urbains, dont le Bassin parisien réunit la plus forte concentration au monde. Deux domaines où la France a acquis une expertise qui fait de cette ressource la troisième énergie renouvelable de l’Hexagone, après la biomasse et l’hydraulique.
C’est de géothermie à haute température (150 oC ou plus) qu’il est question. Celle qui va puiser dans les entrailles de la Terre, à plusieurs kilomètres de profondeur, les calories issues de la désintégration des éléments radioactifs présents dans la roche, pour produire de l’électricité ou de la chaleur.
Fin février, la ministre de l’écologie et de l’énergie, Delphine Batho, a signé deux nouveaux permis exclusifs de recherche : le premier, délivré à la société Electerre de France, dans la zone de Chaudes-Aigues-Coren (Cantal et Lozère), le second, attribué à Fonroche, dans le secteur de Pau-Tarbes (Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées). « Dix-huit demandes sont actuellement en cours d’instruction », indique le ministère. Quatre permis avaient déjà été accordés ces dernières années, l’un en Auvergne, les trois autres en Alsace. Et, depuis quelques jours, quatre autres, en Alsace également, sont soumis à la consultation du public, cette activité étant strictement encadrée par le code minier, le code de l’environnement et le code de la santé publique.
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NOUVELLE FILIÈRE ÉNERGÉTIQUE
« AUTONOMIE ÉNERGÉTIQUE »
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Pour sortir de terre, la géothermie profonde doit toutefois réduire son impact environnemental. Car les techniques mises en oeuvre ne sont pas sans risques. La « stimulation » de la roche utilisée pour accroître les débits d’eau peut provoquer des milliers de microséismes. A Soultz-sous-Forêts, le plus fort, d’une magnitude de 2,9, a suscité de nombreuses plaintes des riverains. En Suisse, la ville de Bâle a renoncé à un forage à la suite d’une série de secousses qui avaient endommagé des bâtiments et semé la panique dans la population.
En outre, les eaux souterraines remontées à la surface sont chargées en sel (plus de 100 grammes par litre à Soultz) mais aussi en sulfures et en métaux lourds toxiques, comme l’arsenic ou le plomb, ainsi qu’en radioéléments. Il faut donc éviter, par des tubages multiples, que des fuites ne polluent les nappes phréatiques.
De surcroît, certains fluides utilisés dans les échangeurs thermiques présentent un danger, comme l’isobutane, inflammable et explosif, ou l’ammoniac, toxique.
Même si les industriels travaillent à des alternatives plus « douces », nul doute que la géothermie des grandes profondeurs sera placée, par les associations environnementales, sous haute surveillance.
Pierre Le Hir
 Le Monde 17/18/03/2013

 Fracturation hydraulique ou stimulation de la roche ?

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La technique de fracturation hydraulique consiste à injecter un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques pour briser les roches. | AFP
EN octroyant deux nouveaux permis de recherche en géothermie à haute température, la ministre de l’écologie, Delphine Batho, a posé un garde-fou. Cette technologie, a-t-elle précisé, consiste à  » prélever des eaux chauffées à grande profondeur soit directement dans une nappe, soit au travers de failles où elles circulent naturellement, sans créer de nouvelles fractures « . Ce qui exclurait donc la fracturation hydraulique, mise en cause dans l’exploitation des gaz et huiles de schiste et interdite en France depuis la loi du 13 juillet 2011. Mais est-ce si clair ?
Les professionnels assurent ne pas recourir à la fracturation mais à la  » stimulation  » de la roche. Tour de passe-passe langagier, à l’image du  » massaging « qui a remplacé le  » fracking  » dans le vocabulaire des pétroliers afin de rendre les hydrocarbures non conventionnels plus acceptables ?
La géothermie profonde ne nécessite pas de fracturer à proprement parler la roche, car elle tire parti de réseaux de failles géologiques existantes. Mais elle exige d’agrandir ces failles, pour que l’eau y circule mieux par de la  » stimulation hydraulique « , c’est-à-dire l’injection de grands volumes d’eau (plusieurs milliers de mètres cubes) à des débits élevés. Ou de rouvrir les failles, lorsqu’elles ont été colmatées par des éléments minéraux, par de la  » stimulation chimique « , moins agressive mais faisant appel à des agents chimiques acides pour dissoudre les minéraux.
 » Ces procédés ne sont pas comparables à la fracturation de la roche mère mise en oeuvre pour les gaz de schiste « , affirme Romain Vernier, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La  » stimulation « , explique-t-il, n’est pratiquée qu’au début de l’exploitation, pour réactiver les failles, pendant  » quelques semaines « . Les volumes et les débits d’eau sont  » très inférieurs « . L’eau est ensuite réinjectée sous terre, en circuit fermé. Et les additifs chimiques sont  » moins nombreux « .
Refonte du code minier
 » Stimulation hydraulique et fracturation hydraulique, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, estime pourtant un expert de l’industrie pétrolière. « Stimulation » est un terme générique qui recouvre toutes les opérations permettant d’augmenter la perméabilité de la roche. Qu’il s’agisse de géothermie profonde ou de gaz de schiste, c’est le même principe, même si les volumes d’eau sont plus importants dans le second cas.  » Pour limiter l’usage de ces méthodes, les industriels imaginent des architectures de puits exploitant mieux la circulation des eaux souterraines : puits horizontaux ou à terminaisons multiples. Pour le permis délivré à Pau-Tarbes, comme pour un autre, en cours d’instruction, à Strasbourg, la société Fonroche dit proscrire la fracturation hydraulique grâce à des puits déportés et à la stimulation chimique.
Comment trancher le débat, sachant que la loi de 2011 ne donne pas une définition précise de la fracturation hydraulique ? L’ambiguïté pourrait être levée lors de la refonte du code minier, immense chantier en cours.
P.L.H.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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