Rome ce mardi – Auteure du « Vatican indiscret », Caroline Pigozzi décrypte l’homélie inaugurale du pontificat. Interview.

 Nouvel Obs 19/03/2013

« Le pape veut casser le côté flamboyant de l’Eglise »

Devant 200.000 fidèles, le pape François a prononcé la messe inaugurale de son pontificat, mardi 19 mars. Une homélie dans laquelle le pape a défini son rôle : « Le vrai pouvoir, c’est le service ».

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Le pape François sur la place Saint-Pierre, le 19 mars (AFP/ FILIPPO MONTEFORTE)
Auteure du « Vatican indiscret », Caroline Pigozzi décrypte l’intervention du pape  François.
Cette homélie éclaire-t-elle sur le pontificat à venir ?
– Il a vraiment voulu marquer une rupture avec ses prédécesseurs. Le pape François veut parler le langage de tout le monde, le langage du peuple. C’est un intellectuel jésuite, et l’enseignement jésuite a ce talent particulier de rendre clair des choses obscures. Mais attention, avec cette rhétorique, avec le même discours, on peut dire le contraire, et avec la même bonne foi. Il ne faut pas sous-estimer la technique jésuite.
Le pape n’a pas oublié qu’il avait un public varié, avec des représentants d’autres religions. C’est amusant de penser que ces derniers ont bien étudié les textes pour ne pas être pris de court, pour finalement entendre une homélie aussi simple. Quant aux chefs d’Etat, la seule chose qui les intéressait était d’être bien placés.
Un message de clarté, d’accord, mais ne l’avez-vous pas trouvé d’une étonnante sobriété ?
– Il ne faut pas oublier qu’il est le premier pape jésuite de l’histoire. Il a fait vœu de pauvreté. Vis-à-vis de son ordre, il marque qu’il est toujours l’un d’eux. Il a même gardé ses chaussures noires, il n’a pas mis ses chaussures de pape rouges.
Le pape François reste donc d’abord axé sur son discours autour de la pauvreté ?
– Il a voulu montrer que ce sera un pontificat très social. La chose qui l’énervait le plus, chez le pape Benoît XVI, c’est notamment le ridicule de ces habits liturgiques. François est profondément jésuite dans l’âme. Il insiste peut être même trop. Il n’a pas donné dans la légèreté sur les pauvres et il va se mettre très vite tous les cardinaux à dos. Les problèmes vont commencer. C’est dur, le Vatican…
Le nouveau pape veut casser le côté flamboyant de l’Eglise et la recentrer sur le social. Il en donne un avant-goût. Et comme il va devoir gérer des dossiers pas tellement faciles, il montre qu’il en hérite mais que ce n’est pas son histoire.
Pour vous, il s’agit donc d’abord d’une rupture ?
– En tout cas, ce n’est pas la continuité. Tout est différent, même sur des traditions de toujours. Le pape n’a pas mis ses armoiries à la fenêtre. Il n’a pas voulu l’anneau du pêcheur en or, mais en argent. Cela ne doit pas faire une différence de prix très importante mais c’est symbolique. Il insiste.
Son homélie s’adressait aux catholiques mais aussi aux délégations des différents Etats et des autres religions. Selon vous, qu’ont-elles entendu ?
– Les délégations étrangères ont certainement très bien reçu ses propos : il a recentré les choses en disant qu’il est l’évêque de Rome. Comme tous les jésuites, il est assez politique : « plus que le pape, je suis d’abord l’évêque de Rome ». Ainsi, il ratisse très large et ramène à lui les chrétiens en général, sans se mettre à dos les autres religions. On est dans l’ouverture, même si sur le plan dogmatique il reste très strict : il ne bougera pas sur la pilule ou le mariage des prêtres. Mais il va beaucoup bouger sur le dialogue interreligieux. Il faut qu’il aille vite, il a tout de même 76 ans !
Propos recueillis par Louis Morice – Le Nouvel Observateur
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