Huffington Post – 25 mars 2013 –
Par Guy Verhofstadt : Leader of the Liberal and Democrat group in the European Parliament and former – Premier Ministre Belge
L’Union européenne ne souffre pas seulement d’une grave crise économique. Plusieurs États membres sont également en proie à une crise démocratique profonde, dont la Hongrie est le plus déplorable exemple. Depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Viktor Orban et de son parti, le Fidesz, en avril 2010, l’État de droit est en effet menacé dans ce pays soumis à une véritable frénésie juridique. Pas un jour ne passe sans que le Parlement n’adopte des législations controversées, comme les lois restreignant la liberté de la presse, et la Constitution elle-même, pourtant décrite par Viktor Orban comme « solide comme le granit », a déjà été réécrite quatre fois, plongeant Budapest dans l’instabilité et l’imprévisibilité.
Tout ceci a été rendu possible grâce à la majorité des deux tiers obtenue par Viktor Orban lors de son élection et dont il use et abuse depuis, convaincu que cette force ne lui donnait pas de responsabilité mais constituait une opportunité pour consolider son pouvoir absolu sur tous les rouages de l’État. Pourtant, être politiquement majoritaire n’entraine pas nécessairement d’avoir raison juridiquement. C’est ce que s’échinent à dénoncer la société civile hongroise et les organisations des droits de l’homme, les institutions européennes et internationales, et même les États-Unis d’Amérique, qui s’inquiètent depuis des mois de l' »Orbanisation » de la Hongrie.
Un point de non-retour a cependant été atteint le 11 mars dernier avec l’adoption par le Parlement hongrois d’un quatrième amendement à la Constitution, alors même que la Commission européenne avait demandé le report du vote dans l’attente de l’avis de l’organe consultatif du Conseil de l’Europe visant à promouvoir l’esprit du droit constitutionnel de l’UE. De fait, avec cette nouvelle réforme de la Loi Fondamentale, le Conseil constitutionnel ne disposera plus des bases juridiques qui lui avaient permis jusqu’alors de s’opposer à une série de projets gouvernementaux liberticides: la criminalisation des sans-abris, la définition restrictive de la famille aux seuls couples mariés avec enfant, l’interdiction de mener une campagne électorale ou même de faire de la publicité politique dans les médias privés, la limitation de la liberté religieuse, l’obligation faite aux étudiants boursiers de d’abord travailler en Hongrie, la suppression de l’autonomie financière pour les universités et l’enseignement supérieur.
Cette réforme va aussi permettre à Viktor Orban de museler la justice en réactivant une disposition qu’il n’était pas encore parvenu à faire passer : mettre à la retraite d’office les magistrats de plus de 62 ans, ce qui revient à épurer toute la haute magistrature. Et pour faire bonne mesure, et s’assurer que les nouveaux juges seront bien à la botte du régime, il est prévu que la présidente du Conseil supérieur de la magistrature, Tünde Hando, pourra seule désigner les juges en dernier ressort. Mme Hando n’est autre que l’épouse de Jozsef Szajer, le principal rédacteur de la nouvelle Constitution, député européen et vice-Président du Parti Populaire européen, le groupe où siège l’UMP, et qui persiste, contre toute raison et principe, à défendre becs et ongles le régime autoritaire de Viktor Orban.
Les démocrates et libéraux au sein du Parlement européen sont vent debout contre cette sinistre farce constitutionnelle. Nous avons réclamé et obtenu la tenue d’un débat sur la situation politique en Hongrie lors de notre prochaine session plénière à Strasbourg en avril. J’ai aussi demandé à la Commission européenne et au Conseil d’activer l’article 7 du Traité de Lisbonne, une procédure permettant de déchoir un État de ses droits européens s’il est démonté qu’il existe un « risque clair de violation grave et persistante » des valeurs fondamentales européennes. J’espère qu’il y aura la volonté politique d’utiliser cet instrument car selon moi, le stade du risque est déjà dépassé et nous avons chaque jour la preuve de violation grave et persistante de l’État de droit et des principes démocratiques. Pour que l’article 7 soit activé, il faut une majorité des deux tiers. Qu’escompte faire le PPE – regroupant à l’échelle du continent un ensemble de partis de centre-droit ?