Transparence? Moralisation?

Courant d’Idées – 14 avril 2013 – Pierre Kolb
Transparence, transparence… le vocable agace, et ça se comprend. Mais ceux que cela énerve le plus ont des raisons d’être nerveux.
patrimoine-ministres-OliveroVoyez en France Jean-François Copé et consorts. Sa résistance à toute obligation de publication de patrimoine a des allures de combat d’arrière garde, mais corrobore une logique très trouble de son action politique. Cet avocat d’affaires, qui a plongé son parti l’UMP dans le discrédit en tentant d’en prendre le contrôle, n’avait-il pas antérieurement défendu à l’Assemblée un amendement visant à supprimer toute sanction à l’encontre d’un parlementaire qui aurait menti dans sa déclaration de patrimoine ? L’entendre aujourd’hui prétendre que les dernières mesures envisagées par François Hollande n’auraient pas permis d’éviter l’affaire Cahuzac nous projette, ainsi que l’a souligné un commentateur*, dans «la stratosphère de la mauvaise foi et du reniement». Ce qu’ont bien compris, dans le camps opposé du même parti, François Fillon et ses alliés qui observent avec gourmandise les gesticulations verbales de leurs frères ennemis. Le débat prolongeant l’affaire Cahuzac s’annonce d’autant plus intéressant qu’il gêne sérieusement aux entournures des politiciens de tous horizons. Il gêne le Copé de la savane sarkozyste, lequel est susceptible de trouver un peu partout dans l’hémicycle de la compréhension pour sa mauvaise humeur.
Bref le débat part dans tous les sens. Pouvait-il en aller autrement, vu le contexte d’urgence et de panique dans lequel les propositions de moralisation de la vie politique ont été mises sur la table ? Sans doute le danger deviendrait réel de laisser la problématique s’enliser dans les procédures, alors que l’indignation populaire est forte, qui ne porte pas seulement sur les mensonges de l’ex-ministre du budget, mais sur ce qu’ils révèlent de sans-gêne, de sentiment d’impunité d’une partie de la classe dirigeante, ainsi que l’avait déjà montré l’affaire DSK. Cette réalité est pénible a apprécier, dans la mesure où elle accrédite l’idée du «tous pourris» qui favorise de dangereux extrémismes.
Deux écueils menacent donc la politique française en la matière, celui de l’improvisation risquant d’entraîner l’adoption de dispositions mal applicables et qui ne seraient pas appliquées, et celui de faire traîner les choses en longueur. Le gouvernement semble plus craindre le deuxième danger que le premier, sans doute par besoin de crédibilité.
On appréciera à cette aune aussi l’accent mis sur la moralisation plus que sur la transparence. Cela peut certes surprendre, mais en réalité, la transparence contient en germe une dynamique de dévoilement sans limite susceptible de rendre une société irrespirable. Soumises à un objectif de moralisation, des exigences de transparence – ponctuelles, et non pas un impératif – doivent être formulées de façon équilibrée.
2013-04-10-130411_delucq_modeste_ptMais encore, cet objectif de moralisation est lui-même tributaire d’une ligne politique. La moralisation ne consiste pas à donner des leçons. La droite, lorsqu’elle en fait le reproche à la gauche, cache mal la mauvaise conscience – encore heureux! – qui subsiste chez les possédants. Non, il ne s’agit pas de donner des leçons, mais de promouvoir une ligne politique de lutte contre les inégalités sociales. Une fiscalité redistributrice en fait bien sûr partie, comme les approches nouvelles visant à délimiter pas seulement des revenus minimaux, mais des revenus maximaux. Toutes ces choses se tiennent et l’on voit bien que la présidence Hollande avance par tâtonnements incertains, avec des convictions plus ou moins bien ancrées. La crise actuelle, le plus inattendu des défis, est une heure de vérité à ces égards.
* Jean Martais, dans le site NouvelObs.com

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