Notre ami le mensonge…

Charlie Hebdo – 17 avril 2013 – Cavanna
Penchons un instant sur la nature humaine. Que voyons-nous ? Un mensonge. Debout sur sa queue comme le gros poisson tenu en cette position avantageuse par le pêcheur – je veux dire le menteur- tout fier de son exploit. Cahuzac – vous êtes au courant, peut-être – est ce gros menteur. C’est essentiellement de cela qu’il se fait gloire, cela qui lui vaut une réputation flatteuse bien que discutable parmi les lecteurs de journaux. Réputation, or, tout à fait imméritée. Je démontre.
2699884157Cahuzac n’est pas un menteur. Je veux dire, pas un VRAI menteur. Il n’est menteur que par la conséquence d’une première vilaine action, j’ai nommé la dissimulation d’un crime commis préalablement contre les fisc, émanation sacrée de l’État, notre mère à tous. L’évasion fiscale est un délit, sachez-le. Bien. Surtout quand le quidam qui s’y adonne est lui-même ministre du Budget de la République. Avant de commettre une chose défendue, il importe de penser aux lendemains. Que dit le bambin que l’on a surpris volant des confitures ? « C’est pas moi ! » Il a raison. C’est ce qu’il faut dire. On ne le croit pas, mais on est troublé. Le spectre de l’erreur judiciaire ricane de ses dents pourries. Cahuzac développa sa petite affaire tout juste comme elle devait l’être. D’abord, commettre le délit, ensuite, s’il y a lieu, mentir. Droit dans les yeux. Et dans ses bottes.
Jusque-là tout marche comme prévu. une circonstance fortuite survint qui bouleversa les destins. Cette circonstance était comme je vais vous dire.
Etude
2013-04-07-130508_delucq_revelation_pt-thumbLe mensonge de Cahuzac, qui, en tant que mensonge, n’avait à jouer qu’un rôle de second plan dans l’histoire, se trouva être un si beau mensonge, un roi au pays du mensonge, si vous voyez ce que je veux dire, si beau, donc, se trouva-t-il que, par le monde, les amateurs de beaux mensonges – médias, journalistes, hommes d’état… – tombèrent à genoux, fascinés. Le mensonge prenait alors la première place, laissant oublier le délit principal. Le mensonge, si j’ose dire, tira la couverture à lui. On en médita l’ingéniosité et le toupet, et comme tout compte fait, le mensonge rabaisse un petit peu l’homme au niveau de la bête, on vilipenda le mensonge, plus qu’on ne conspua l’auteur pour son mensonge, plus, beaucoup plus, que pour son forfait initial, dont le mensonge, aussi réussi fut-il, n’était que la conséquence.
Le premier homme qui se trouva en présence d’un mensonge fut terrorisé. Comment, pouvait-on dire que ce mammouth était blanc alors qu’il était noir ? On pouvait donc dire que telle ou telle chose existait alors que ce n’était pas vrai ? Il y avait certainement là-dessous quelque puissante magie ! En tout cas, de ce jour on ne parla plus que par mensonges, on s’en trouva même très bien, c’est pourquoi cela dure encore aujourd’hui à la satisfaction générale.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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