Les niches fiscales de certaines professions

Rue89 -3  octobre 2012 –


Les journalistes qui fustigent les niches fiscales protègent-ils la leur ? Ce jour là sur France Inter, un auditeur de la matinale de Patrick Cohen a fait ressurgir ce serpent de mer que sont les avantages fiscaux accordés à la profession.
Originaire de Loire-Atlantique, Claude ne s’est pas démonté et a interpellé directement l’animateur radio :
« J’aimerais beaucoup que monsieur Cohen nous parle des niches fiscales des journalistes. J’aimerais, par équité, que vous en parliez autant que les niches fiscales des restaurateurs. »
Journalistes, hôtesses de l’air, brodeurs
En cause : l’« allocation pour frais d’emploi ». Une somme de 7 650 euros que les journalistes ont le droit de déduire de leurs revenus lors de leur déclaration d’impôts. Réponse de Patrick Cohen :« Ce n’est pas du même coût et au même niveau. Cette déduction de 7 600 euros n’a pas été révisée depuis quinze ans. » Un rien embarrassé, l’animateur a promis d’en parler plus tard à l’antenne.
De fait, l’allocation n’est pas une niche fiscale ou en tout cas, elle ne l’est plus. Mise en place dans les années 30, cet avantage permettait aux journalistes – comme à une centaine d’autres professions dont les hôtesses de l’air et les brodeurs du département de l’Aisne – de bénéficier d’une déduction fiscale de 30% de leurs revenus.
Une mesure qui se justifiait dans le contexte de l’après-guerre, lorsque les maisons d’édition ne pouvait pas payer les frais professionnels des journalistes, pour redynamiser le secteur.
« Une déduction corporatiste coûteuse »
En 1996, le gouvernement d’Alain Juppé décide de revenir sur l’existence de ces niches. Elles seront toutes supprimées, sauf une : celle des journalistes, justement. Après plusieurs années de négociations, l’avantage sera maintenu mais sous une nouvelle forme : un abattement forfaitaire plus juste car il n’avantage pas excessivement les stars des médias qui touchent les plus « gros » salaires.
Une mesure plus juste mais qui reste décriée. En mai 2012, des internautes ont lancé une pétition.
« Stop aux privilèges fiscaux des journalistes », « Une déduction d’impôts corporatiste coûteuse pour les contribuables ! » , « Un privilège qui n’a plus de justifications ! » Le ton est donné. De quoi mettre mal à l’aise les « privilégiés » concernés. Le coût pour l’Etat d’une telle mesure fiscale est difficile à calculer étant donné la disparité des salaires des 36 815 titulaires de la carte de presse en 2011. Sans parler des non-encartés qui peuvent aussi en bénéficier s’ils peuvent justifier qu’ils exercent bien la profession.
Par exemple, une journaliste en CDI à Rue89 qui gagne 2 100 euros par mois paie 900 euros d’impôts par an. Dans les mêmes conditions, célibataire et sans enfants, un salarié non-journaliste paiera plus du double, soit 2 000 euros d’impôts par an.
Elle profite aux journalistes précaires
Alors pourquoi maintenir cette déduction ? Car elle profite surtout aux journalistes précaires, pigistes ou en CDD, qui n’ont pas le soutien de leur rédaction et doivent éventuellement avancer leurs frais professionnels d’après le Syndicat national des journalistes (SNJ).
Selon l’enquête 2011 de l’Observatoire des métiers de la presse, un journaliste sur cinq est aujourd’hui dans cette situation. Et depuis les années 2000, la part de ces journalistes précaires est en constante augmentation au sein de la profession. L’autre raison est plus pratique. L’annonce de sa suppression entraînera certainement une levée de bouclier des syndicats qui demanderont des compensations salariales – difficile en ces temps de vaches maigres pour la presse.
Sur Slate.fr, Vincent Glad propose une autre solution :
« Rayer de la liste des bénéficiaires (“journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux”) les directeurs de journaux. »

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Niches coûteuses : Le coût des niches fiscales s’élèvera à 70,8 milliards d’euros prévus pour 2013. Sur les dispositifs d’abattement qui existent, les plus coûteux restent les TVA réduites.

A propos werdna01

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