La malbouffe, la face cachée de l’agroalimentaire

France info – lundi 22 avril 2013 – Nicolas Teillard
L’industrie agro-alimentaire nous a-t-elle transformés en rats de laboratoire? C’est ce que suggère Christophe Labbé, un des auteurs d’une enquête sur la malbouffe. Un état des lieux inquiétant que ne conteste pas Stéphanie Pajot de la FNAB.

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« Vive la malbouffe, à bas le bio! »
Date de parution : 12/04/13- Editeur : Hoëbeke – ISBN : 978-2-84230-466-9
 Broché –190 pages-  Prix éditeur : 16 €
Nicolas Teillard : Vive la malbouffe, à bas le bio!, c’est le titre d’un livre qui parait aux éditions Hoebeke. Sous ce titre résolument provocateur est présentée l’enquête mené par trois journalistes : Jean-Luc Porquet du Canard Enchaîné, Olivia Recasens et Christophe Labbé. Et dans la forme, il s’agit plus d’un abécédaire des horreurs de l’industrie agroalimentaire comme le confirme Christophe Labbé.
Christophe Labbé : C’est un pied de nez au discours de l’industrie agroalimentaire qui dépense chaque année, rien qu’en France 2 milliards d’euros pour nous faire croire que tout va bien dans l’assiette, que tous les produits sont naturels et que tout est bon pour notre santé. Et donc, on démontre que c’est tout l’inverse et que la malbouffe progresse, quoiqu’on en dise.
N. T. : En couverture de ce livre, l’illustration présente un rat qui sirote un soda. C’est un bon aperçu de ce qu’on peut trouver à l’intérieur ?
C.L. : Là aussi, c’est un clin d’œil. En 40 ans, l’industrie alimentaire a transformé nos assiettes et en a fait un champ d’expériences. En tant que consommateurs, nous sommes un peu les rats de laboratoires. Aujourd’hui 80% de notre nourriture est industrielle et elle n’est absolument pas adaptée à nos besoins physiologiques puisqu’elle est trop riche en sel, en mauvais gras et en sucre. Et tout cela à des conséquences sur la santé des populations : on considère que, de manière directe ou indirecte, les morts de la malbouffe, c’est l’équivalent rien qu’en France », d’un Boeing 747 qui s’écraserait chaque jour.
N. T. : Avec une véritable compilation des scandales que vous nous rappelez, le dernier en date étant celui de la viande de cheval. Est-ce que ce scandale est vraiment révélateur de ce qui se passe dans l’industrie de l’agroalimentaire ?
C.L. : Il est absolument révélateur de la face cachée de l’agroalimentaire. Tous les 3 ou 4 ans, vous avez un scandale comme celui-là qui apparaît et tout le monde semble étonné. Là vous avez quand même plus de 800 tonnes de viande de cheval qui ont été intégrées dans des plats cuisinés à la place du bœuf. 800 tonnes et personne ne s’est aperçu de rien. On nous dit que les autorités françaises ont donné l’alerte, mais non, c’est du côté britannique et quasiment par hasard qu’on a repéré cette fraude, sinon elle continuerait encore. Il y a cinq ans, c’est 180 tonnes d’huile de moteur qui avait été intégré dans un lot de 40 000 d’huile de tournesol, tête ds lavabovendue dans toute l’Europe, utilisée par l’agroalimentaire pour fabriquer des toutes sortes de plats cuisinés. C’était tellement éparpillé partout dans nos assiettes que, quand le scandale a éclaté, l’agroalimentaire ne pouvait plus faire revenir tous les plats. Donc, la Commission européenne, à l’époque, a blanchi cette fraude en indiquant que finalement, les normes sanitaires, compte-tenu des taux minimes que l’on trouvait dans les plats cuisinés, on pouvait consommer tout cela. Et donc les consommateurs européens ont avalé ces 180 tonnes d’huile de moteur !
Mais notre idée est avant tout d’informer sur le contenu de notre assiette, « mais d’informer de manière amusante avec les dessins de Wozniak ». En tant que consommateur, si vous êtes informé, vous faites vos courses différemment. Car tout est fait pour camoufler le contenu réel de notre assiette ! La première solution est d’être attentif aux étiquettes. Vous avez plusieurs marqueurs de malbouffe et si vous les repérez, ça doit clignoter et vous pouvez alors reposer les produits dans le rayon. C’est aussi pour montrer qu’il faut bien réinjecter du temps dans l’acte de consommer. On s’est fait complètement déposséder de notre assiette par l’agroalimentaire qui nous a vendu du temps concentré. Il faut reprendre le contrôle car c’est bon pour notre porte-monnaie. Contrairement à ce que l’on nous dit, les plats cuisinés reviennent beaucoup plus cher en moyenne de 25% et c’est meilleur pour notre santé.
Dans le livre, se trouvent des « marqueurs de malbouffe », mais Christophe Labbé insiste sur le fait qu’il « faut reprendre le contrôle de notre assiette ». Il ajoute que « se faire soi-même à manger coûte 25% moins cher ».

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 Illustration sur la « malbouffe » (VIDAL/SIPA).
Selon Stéphanie Pajot, présidente de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique, la FNAB, « si on parle des dérives de l’industrie agro-alimentaire, on prône beaucoup sur un nouveau modèle alimentaire basé sur le développement de l’agriculture sur le territoire. » « Il faut que le consommateur soit consomme-acteur. » Stéphanie Pajot rappelle ainsi qu’il faut continuer dans une nouvelle voie, ouverte par les AMAP. « On peut agir en tant que consommateur en faisant ses courses et en tant que citoyen » confirme Christophe Labbé.
C.L. : On voit que le bio, cité souvent en exemple, c’est moins de 4% des surfaces agricoles aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que l’État qui est derrière tout l’agrobizness a privilégié l’agriculture intensive pendant des années, et l’agriculture intensive « calibrée » ! Ainsi, quand vous regardez la répartition des aides : 1,5 milliard par an pour le bio, c’est six fois moins que les aides octroyées à l’agriculture intensive. Donc au final, on arrive avec des disproportions et c’est au consommateur/citoyen de faire pression pour renverser un peu la tendance.

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