CLES – avril 2013 – Patrice Van Eersel – Enquête – Extraits
Changer de travail, déménager, s’adapter aux progrès technologiques ou aux bouleversements climatiques… Notre siècle bouge en accéléré, nos repères changent et nous devons suivre. Alors comment s’adapter sans se renier. Si aujourd’hui l’avenir nous inquiète tant, c’est qu’il nous confronte à cette question abrupte : nous, et surtout nos descendants, aurons-nous les capacités de nous adapter aux énormes changements en cours :
– des ordinateurs mille fois plus rapides ?
– l’arrivée de millions de réfugiés économiques et climatiques ?
– une alimentation sans viande ?
– des bactéries résistantes aux antibiotiques ?
– la fin des abeilles et des séquoias géants ?
– une eau douce rare, polluée et durement convoitée ?
– une police écologique mondiale autoritaire ?
– la gestation de bébés humains en utérus artificiels ?
– une population grandissante de centenaires ?
– une mondialisation complète de nos activités ?
– le remplacement des livres par les écrans ?
– etc.
L’adaptation est une affaire vitale. Tirez sur ce fil et aucun aspect de l’existence ne vous échappera. En naissant, le fœtus que vous étiez a dû s’adapter à une vie aérienne et déployer ses poumons. Puis, comme chez tout être humain – né prématuré, semi-fini – votre appareil psychique s’est laissé modeler par la langue de vos parents, s’adaptant à leur culture. Depuis, à tout instant, vous vous adaptez : aussi bien à la température qu’à la lumière, à la nourriture qu’à l’ambiance ou aux mœurs. Tout individu, dès sa conception, ne cesse de s’adapter, seconde après seconde, biologiquement, physiologiquement, psychologiquement, intellectuellement… Quand il ne s’adapte plus, c’est qu’il va mourir.
Ce qui vaut pour chacun de nous s’applique aussi à notre espèce. Plusieurs fois en deux ou trois millions d’années d’histoire, l’humanité a failli disparaître, mais elle s’est cramponnée avec acharnement. Elle s’est adaptée à tous les climats, reliefs, paysages, régimes alimentaires et famines. Mais aussi à toutes les technologies, inventions, langues, communications et expressions artistiques. A toutes les inspirations, imaginations, hallucinations, superstitions et religions… Souvent dans la souffrance et la tragédie. Mais elle n’a jamais cessé de progresser.
En un sens, tout se passe comme si vivre et s’adapter étaient des synonymes parfaits. Enquêter sur la question dévoile cependant une réalité plus ambivalente. D’abord parce qu’en passant du biologique au psychologique, l’adaptation humaine est peu à peu devenue consciente et que notre volonté a du mal à assumer une tâche aussi complexe : il y a des adaptations positives et d’autres négatives.
Nous nous adaptons surtout inconsciemment. Prenez la mode. Remarquez que les résistances durables sont rares et qu’en fin de compte, nous nous y faisons tous – sans forcément savoir pourquoi. Nous avons tous à l’esprit des histoires où une difficulté initiale s’est soldée par un progrès. L’humain est un être complexe. Confronté à une difficulté, il peut éveiller en lui de formidables potentiels endormis. Un autre grand paradoxe est que nous nous adaptons plus vite aux événements positifs (ce qui les banalise et les fait en quelque sorte disparaître de notre conscience) qu’aux événements négatifs (qui nous marquent plus longtemps avant de devenir à leur tour des habitudes). Curieusement, il est donc conseillé d’essayer de « s’adapter aux mauvais côtés de la vie » qu’on ne peut éviter, mais pas aux bons côtés, afin d’en jouir plus longtemps. Un apprentissage pas évident…
Se découvrir autre tout en restant soi
Si la plupart des philosophes,ou thérapeutes nous encouragent à nous adapter au monde tel qu’il est (ou est en train de devenir), d’autres se méfient de cette tendance, avec un argument plutôt imparable : « Les gens bien adaptés à un monde malade ne nous indiquent pas forcément la voie à suivre. »
Parmi les méfiants, le philosophe Denis Marquet : « Le concept d’adaptation, très à la mode aujourd’hui, sent trop le conditionnement et les mobiles simples – la survie, le profit, la séduction. Il s’agit, au fond, à travers des pseudo-changements, de rester le même. Alors que la véritable création survient quand je me laisse surprendre et me découvre autre. A la notion d’adaptation, je préfère celle d’ajustement créateur. Le sinologue Cyrille Javary accueille cette approche avec un sourire amusé, citant l’hexagramme 57 du Yi Jing, le fameux « Livre des transformations » taoïste : « Accepte d’être modelé par la situation quand elle diffère de ce que tu avais prévu. Ainsi, tu atteindras ton but malgré tout. » L’important pour un Chinois est de rester en couplage avec la situation. A un disciple qui lui demandait ce qu’il pensait de la richesse, Confucius répondit : “Si le pays est mal gouverné, il est honteux de s’enrichir. Si le pays est bien gouverné, il est honteux de rester pauvre.” Autrement dit, il faut suivre le courant ; agir contre lui n’est ni intelligent, ni éthique. »
Une intelligence collective d’avenir
Ce couplage taoïste entre notre milieu et nous, nous le retrouvons, côté occidental, dans une certaine « psychologie écologique » chère au philosophe Edgar Morin, au biologiste Francisco Varela ou au sociologue Theodore Roszak. L’idée qu’il y aurait une coévolution possible, où la créativité de la nature et celle des humains pourraient en quelque sorte s’adapter l’une à l’autre, imprègne toute la culture judéo-chrétienne. Existerait-il, de façon globale, une forme d’intelligence collective qui, plus ou moins consciemment, nous aiderait à nous préparer aux adaptations à venir ? De nombreux phénomènes sociaux vont dans ce sens. Comme aime le dire Edgar Morin : « La catastrophe est possible, mais la nouveauté est toujours sortie de l’inattendu. Croyons à l’inattendu ! »
Nombreuses sont les raisons de croire que l’avenir est possible, voire exaltant. Nos extraordinaires avancées technologiques ne peuvent être niées. La question est de savoir quels seront nos comportements. Or, nous ne pouvons plus prétendre que nos réseaux neuronaux nous bloquent : ils sont infiniment plus plastiques que nous ne le pensions. La question qui se pose à chacun d’entre nous devient donc : « Quel est notre niveau de conscience ? »
Heureusement.org : Le guide du bien-être en ligne
Lancé en début d’année ce nouveau site web annonce clairement ses objectifs en page d’accueil : « simple, convivial et rapide à utiliser. » Et le pari est plutôt réussi grâce à une interface colorée et très claire ainsi qu’au moteur de recherche multicritères (thématique, régional, type de contenu etc..) qui vous permettent de trouver l’information que vous recherchez en 1 clic. Vous y trouverez des fiches très détaillées de praticiens, thérapeutes ou organismes ainsi qu’un agenda de stages, conférences ou ateliers. Des ressources en ligne permettent également d’approfondir certains domaines. A découvrir ! www.heureusement.org