» Mur des cons  » : le syndicat de la magistrature répond à la ministre de la justice

 Rue 89 samedi 27 avril 2013  Blandine Grosjean | Rédactrice en chef
Nous publions, en exclusivité,  la lettre du Syndicat de la magistrature à Christiane Taubira
« Vous avez cédé à la pression […]. » Dans une lettre publiée sur Rue89, les magistrats déplorent la réaction de la garde des Sceaux après l’affaire du « mur des cons »
Le « scandale » a éclaté il y a deux jours. C’est Atlantico qui s’est procuré la vidéo. On y découvre un « mur des cons » dans les locaux du Syndicat de la magistrature. Beaucoup de politiques de droite sont épinglés au tableau d’honneur, mais aussi des journalistes et des intellectuels. Seule consigne aux contributeurs : « Avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà. »
cope_dessinLe président de l’UMP, Jean-François Copé a immédiatement demandé à la ministre de la Justice de « diligenter une enquête ».
Le CSM devra donc dire s’il y a manquement à la déontologie.
Une autre polémique agite la rédaction de France 3 dont un journaliste, Clément Weill-Raynal, est accusé d’être à l’origine de la vidéo.
Nous publions, en exclusivité, la lettre du Syndicat de la magistrature à Christiane Taubira :
« Madame la ministre,
Suite à la diffusion mercredi 24 avril par le site Atlantico d’une vidéo d’images soustraites à l’intérieur de notre local syndical, vous avez cru devoir saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour apprécier s’il y a eu “manquement à la déontologie”.
Vous avez déclaré, dans un communiqué de presse et devant le Sénat, “condamner cette pratique”, vous avez exprimé “votre consternation face à ce comportement” et considéré qu’il s’agissait “d’un acte insupportable, stupide et malsain”.
Quelle pratique ? Celle d’un journaliste qui filme en cachette l’intérieur d’un local syndical privé à l’insu de ses occupants ?
Quel acte ? Celui d’un site en ligne, proche de la droite la plus dure, qui décide de diffuser ces images qu’il sait soustraites ?
Quel comportement ? Celui d’une certaine droite prompte à instrumentaliser cette “révélation” à des fins bassement politiciennes pour décrédibiliser ceux qui combattent avec force leurs idées depuis des années ?
Eh bien non, tout cela ne semble pas vous avoir choquée …
Vous avez au contraire cédé à la pression de ceux-ci et choisi de vous en prendre à l’expression en privé d’une opinion – lapidaire et caricaturale certes mais qui n’a rien à envier aux propos publics outranciers de certains à notre égard – concernant ceux dont nous dénoncions les propos, les actes ou les prises de position.
Souhaitez-vous donc réglementer la liberté d’opinion des syndicalistes, définir les standards de l’affichage autorisé dans les locaux syndicaux, voire encadrer la liberté des magistrats que nous sommes s’exprimant dans la sphère privée ?
Vous prétendez, dans votre communiqué, que “le devoir de réserve des magistrats suppose la retenue même dans le cadre de l’expression syndicale”.
Quelle expression syndicale, Madame la ministre ?
Des propos satiriques tenus en privé par des syndicalistes dont personne d’autre qu’eux n’aurait dû avoir connaissance sans cette soustraction d’images ? Cette violation de notre sphère privée syndicale n’est pas “une expression syndicale”, laquelle est par nature publique. Faut-il vous rappeler que dans nos prises de position publiques nous nous en sommes toujours tenus au débat d’idées ?
Quel devoir de réserve, Madame la ministre ? Celui des magistrats ou celui d’un syndicat ?
Est-il besoin de vous rappeler que “l’obligation de réserve” ne s’applique qu’à l’expression publique des magistrats et qu’en tout état de cause, elle ne constitue ni une obligation au silence, ni une obligation de neutralité ?
Mais, au-delà des circonstances de l’espèce, et en raison de l’amalgame qui est fait entre expression privée et action syndicale, c’est bien l’expression publique syndicale et, par conséquent, le fait syndical dans la magistrature que vous remettez en question par votre saisine consternante du Conseil supérieur de la magistrature. Nous attendions plutôt de vous, Madame la ministre, que vous défendiez vous-même cette liberté syndicale.
En plus de 40 années de combats pour les droits des magistrats et les libertés publiques, le Syndicat de la magistrature a dû faire face à de multiples tentatives visant à l’empêcher de s’exprimer.
Vous venez de vous inscrire dans cette longue tradition, nous le regrettons vivement.
Nous vous prions, Madame la ministre, de croire en l’assurance de notre parfaite considération. »
Pour le Syndicat de la magistrature, Françoise Martres, présidente.
MERCI RIVERAINS Pierrestrato

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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