Après l’immobilier, la bulle pétrolière : Total et GDF ne valent pas un clou

Charlie Hebdo – 30 avril 2013 – Fabrice Nicolino
L’économiste Lord Stern* récidive en s’associant à un rapport démentiel. Selon l’économiste et ses copains, le monde de l’énergie est en train de fabriquer, et chaque jour un peu plus, la plus grosse crise financière de tous les temps…
carbonbubble_report_smComme la plupart des économistes et des politiques ignorent la crise écologique, ils n’entendront jamais parler du rapport intitué « Imbrûlable carbone » (Unburnable carbone, www.carbontracker.org/carbonbubble). En deux mots, le think thank Carbon Tracker s’est associé à l’économiste Nicholas Stern pour une étude qui annonce une crise financière guillerette, susceptible de pulvériser toutes les économies de la planète. Il s’agit d’une bulle géante qui ne devrait pas manquer d’exploser en mille petits morceaux coupants, façon puzzle. Avant d’aller plus loin signalons que Stern a fait toute sa carrière chez les aveugles, au pont de devenir vice-président de la Banque mondiale. Les libéraux ne peuvent donc pas complètement  se foutre de sa gueule. Et ajoutons que Carbon Tracker a également le soutien de la banque HSBC, de l’agence de notation Standard & Poor’s – eh oui, les amis ! – et même de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ces braves personnes sont-elles meilleures que les autres ? En tout cas, elles fouettent.
Résumons l’extraordinaire perspective : les grands de l’énergie investissent sur du sable, face à une tempête qu’ils refusent de considérer. Simplement parce que leur valeur colossale repose sur des ressources qui ne seront jamais utilisées, à vue humaine en tout cas. Selon le rapport, les transnationales de l’énergie fossile – pétrole, gaz, charbon – sont cotées de manière grotesque, car, à la vérité, d’ici à 2050, seules 20 % des réserves actuelles pourront être utilisées. Du moins si l’on reste sur les maigres engagements consentis pour lutter contre le dérèglement climatique. Aujourd’hui, et malgré le foutoir des négociations, un consensus mou domine : pour ne pas dépasser une augmentation moyenne des températures de 2 degrés par rapport à 1750, il faut rester entre 565 et 886 milliards de tonnes d’émission de CO2. Sinon, c’est l’inconnu, et probablement un effondrement général.
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Au sommet de Davos…
Ce qui est chiant, c’est que les réserves fossiles connues contiennent au moins 2 860 milliards de tonnes de CO2, compte non tenu de ce qui s’ajoute chaque année. Faut-il rappeler la grande aventure connu sous le nom de gaz de schiste, qui excite tous les Hollande et Sarkozy de la planète ? La « possession » de ce douteux trésor marque la puissance d’États comme l’Arabie saoudite, les États-Unis, le Vénézuéla, l’Iran, l’Irak, la Chine, etc, et la bonne fortune de Total ou de GDF Suez chez nous, Shell ou China National Petroleum ailleurs. Tous ces empires n’existent que par les exploitations en cours et celles qui viendront. mais si elles ne viennent pas ?
Total et GDF ne valent pas un clou
Le rapport analyse les activités des 200 plus grosses entreprises de l’énergie et constate qu’elles ont investi l’an passé 674 milliards de dollars pour seulement découvrir et exploiter de nouvelles ressources. Autrement dit, si cette tendance lourde devait se maintenir à l’identique, elles claqueraient au cours des dix prochaines années 6 740 milliards de dollars pour rechercher du pétrole, du gaz, du charbon, qui resteront sous terre et dont la valeur est du même coup égale à zéro. Commentaire so british de Lord Stern dans sa préface : « La crise financière (celle de 2008) a montré ce qui arrive quand des risques accumulés demeurent ignorés.« 
Question : à quel moment admettra-t-on que l »édifice s’effondre ? Quand la chaleur aura jeté sur les routes des centaines de millions de réfugiés écologiques ? En attendant, on comprend déjà mieux pourquoi tant d’États – Arabie Saoudite en tête – et de transnationales de l’énergie consacrent autant de fric à saboter tout accord mondial sur le climat. Imposer des restrictions plus strictes d’émission du CO2, c’est précipiter la découverte d’une vérité qui tue : la ruine totale menace la finance mondiale. Le désagréable, c’est que nous sommes dans la même barcasse que ces foutus connards.

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250px-Nicholas_Stern* Nicholas Stern, Baron Stern of Brentford, né le 22 avril 1946 est un économiste britannique. Ancien vice-président senior de la Banque mondiale de 2000 à 2003, il est surtout connu pour le rapport Stern sur l’économie du changement climatique publié le 30 octobre 2006. Il a été en 2009 membre de la Commission Stiglitz chargée d’une « réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives » et d’élaborer de nouveaux indicateurs de richesse.
Pour Nicholas Stern, la crise économique de 2008-2009 est liée à trois facteurs : « le premier est la déréglementation du secteur financier, qui a permis de forger des instruments financiers extrêmement risqués sur des marchés incontrôlables », « le deuxième est le gonflement de la bulle immobilière » de nature cyclique et le troisième est l’accumulation d’une épargne très forte par les pays asiatiques qui a permis de financer les déficits américains et la bulle du crédit (Wikipédia)Il préconise de profiter des plans de relance pour s’engager « vers la recherche et le développement d’un modèle économique et de technologies concourant à la lutte contre le réchauffement climatique ». Au niveau institutionnel, il serait pour la création d’une « institution internationale indépendante des Nations unies…..dont le rôle serait d’évaluer les risques inhérents au fonctionnement de l’activité économique, et d’anticiper les possibilités de crise ».

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