Changement climatique : retour au pliocène ?

Planète sans visa – 07/05/13 – Fabrice Nicolino
Une centrale électrique à Venise, en juillet 2010.
Une centrale électrique à Venise, en juillet 2010. | REUTERS/ALESSANDRO GAROFALO
Indifférent aux controverses ou à l’embarras qu’il suscite, le changement climatique de notre planète poursuit son cours, inexorablement. Ce mois-ci, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère devrait, pour la première fois depuis quelques millions d’années, dépasser le seuil de 400 parties par million (ppm) dans l’hémisphère Nord.
imagesCARSRFOIPour être symbolique, ce cap n’en est pas moins alarmant. Il nous rappelle que, du fait des activités humaines, le climat terrestre s’altère à une vitesse sans équivalent dans l’histoire de notre espèce. Quelques jalons permettent de fixer les idées : les premiers fossiles d’humains anatomiquement modernes (Homo sapiens) sont vieux de quelque 200 000 ans, mais il faut remonter au début du pliocène, il y a plusieurs millions d’années, lorsque aucun être du genre Homo n’arpentait la surface du globe, pour retrouver de tels niveaux de CO2 dans l’atmosphère. Les effets de cette mutation sur le changement climatique sont bel et bien tangibles : élévation du niveau des océans, destruction d’écosystèmes d’intérêt économique, augmentation de la fréquence et de la gravité des événements extrêmes – par exemple la récente sécheresse qui a frappé l’Amérique du Nord ou l’ouragan Sandy, qui, à l’automne 2012, a ravagé New York et la Côte est des Etats-Unis.
La communauté scientifique compétente prêche dans le désert depuis de nombreuses années. Elle est unanime. Elle ne cesse de prévenir des graves dangers qu’il y a à ignorer la science et à s’en remettre aveuglément à un système de développement fondé sur la combustion des ressources fossiles et reposant sur les idées du XIXe siècle – lorsque le monde paraissait encore infini au petit milliard d’êtres humains qui le peuplait.
Les fenêtres d’action se ferment peu à peu. Le seuil de stabilité climatique à très long terme, situé à 350 ppm imagesCAWH41EFpar certains climatologues parmi les plus galonnés, est déjà loin derrière nous. Il a été franchi peu avant 1990. Quant à l’objectif de limiter à 2 °C le réchauffement d’ici à la fin du siècle, il est déjà presque intenable. Que risque-t-on ? L’altération du climat est souvent perçue en termes de désagréments individuels. Le risque va bien au-delà. La question climatique pèse – et pèsera, plus encore, demain – sur la dégradation économique mondiale. Car, à l’heure où il est fortement question de dettes en tout genre, il faut le rappeler : le développement économique actuel ne se poursuit qu’en contractant une dette énorme vis-à-vis du système climatique.
Ce n’est pas une dette financière, mais géophysique. La première est contractée entre des hommes ou des institutions. Elle peut se renégocier, elle peut être annulée, le créancier peut toujours passer l’éponge.
La seconde est plus dangereuse : elle est contractée avec un monstre froid gouverné par les seules lois de la nature – la Terre. Nous n’aurons d’autre choix que de la rembourser, avec ce désagrément supplémentaire que personne n’a, aujourd’hui, la moindre certitude sur le taux de l’emprunt. La communauté internationale serait bien avisée de ne pas feindre de l’ignorer.

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