Crue du Danube

Le Monde 08/06/2013 Par Martine Valo

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Le long du Danube, la bataille des Hongrois contre la crue

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Le 5 juin, dans le village de Tahitotfalu, au nord de Budapest, en amont du Danube, les habitants construisent des digues avec l’aide des militaires et de volontaires venus de la capitale. BALAZS MOHAI/AP
Bogdan (Hongrie) Envoyée spéciale
Quelque 10 000 volontaires ont passé la nuit de jeudi 6 à vendredi 7 juin à construire des digues de protection sur près de 700 kilomètres
A Bogdan, une bourgade nichée dans une boucle du Danube, des bottes en caoutchouc multicolores à la main, l’air fatigué, des groupes de volontaires attendent le bus pour rentrer chez eux, à Budapest, à une vingtaine de kilomètres.

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Toute la journée du jeudi 6 juin, ils ont rempli puis empilé des sacs de sable pour aider les riverains du grand fleuve à se protéger des inondations. Quand la capitale sera-t-elle touchée à son tour ? Dimanche, lundi ? Les pronostics divergent sur le pic de crue, mais chacun en est sûr : il dépassera le record de 8,65 m enregistré en 2006. Vendredi matin, le niveau du fleuve affichait 7,81 m.
En attendant, l’eau monte presque à vue d’oeil à Bogdan. Le boulanger évacue son pain dans des caisses en plastique qu’il porte sur la tête. Il a approché sa camionnette le plus près possible, mais la rue disparaît petit à petit sous l’eau. Le Danube envahit déjà le rez-de-chaussée de sa boulangerie. Des arbres, noyés jusqu’à mi-hauteur, rappellent au loin le lit habituel du fleuve.

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Un peu plus haut dans le village, les habitants s’activent à construire des remparts de sable. Hommes, femmes, enfants à la sortie des écoles, lycéens réquisitionnés, étudiants à qui l’on a permis de passer plus tard leurs examens : tout le monde s’y est mis, tandis que l’alternance d’éclaircies et de fortes averses met les nerfs de chacun à l’épreuve.
Cette région aux villages coquets s’est transformée en un grand chantier populaire le long de la route 11, sur laquelle débordent des tas de terre et les incontournables sacs de sable de toile blanche, amassés en petits murets dérisoires ou en remparts qu’on espère résistants.
Cette voie suffisamment importante pour être interdite aux tracteurs, charrettes et vélos est déjà impraticable par endroits. Plusieurs communes s’apprêtent à être coupées du monde, d’autres doivent déjà vivre sans électricité.

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Les médias répètent à l’envi que l’on n’a jamais vu autant de volontaires qu’en cette occasion. Il faut dire que chacun peut voir à la télévision le désastre provoqué par les inondations dans l’est et le sud de l’Allemagne, en Autriche, en République tchèque. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été déplacées, et un bilan encore provisoire fait état de seize morts.

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La Hongrie a eu le temps de s’organiser. Des milliers de militaires, de spécialistes de la sécurité civile, de l’eau potable sont mobilisés. Le premier ministre, Viktor Orban, intervient régulièrement sur les antennes pour faire le point de la situation après ses visites de terrain, féliciter chacun et prévenir les victimes que l’Union européenne s’est engagée à dégager des fonds pour elles.

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Certains Hongrois voient dans cette présence soutenue une façon de faire oublier la grande pagaille qui avait laissé des automobilistes coincés dans leur véhicule deux nuits de suite pendant le sévère épisode neigeux de l’hiver 2013, pour lequel il avait fallu demander l’aide du voisin autrichien.
 » Cette fois, cela ne se passera pas comme ça ! « , assure Dietz Ferenc, le maire de Szentendre, en montrant une photo de sa grand-mère réfugiée sur une barque, lors d’intempéries dans les années 1930. Casque de chantier et gilet fluo à portée de main, l’édile de cette très touristique petite ville proche de Bogdan annonce que la municipalité s’est dotée d’une arme inédite pour protéger sa promenade le long du Danube : une digue mobile, testée seulement en Allemagne et en Tchéquie, et installée en vingt-quatre heures.
Cette paroi d’aluminium de presque 300 m de long, renforcée de piliers de béton, fait effectivement face aux nombreuses terrasses, exceptionnellement vidées de leurs visiteurs. Il y a quelques années, un architecte avait eu la fâcheuse idée de tailler dans l’ancienne digue qui, estimait-il, gâchait le panorama et la promenade sur le fleuve.
Depuis, la ville s’est lancée dans un projet de protection de ses berges de 1,3 milliard de forints (4,4 millions d’euros), financé entièrement par l’Union européenne.  » Toute la Hongrie a les yeux tournés vers notre digue « , assure le maire avec confiance. Sur les berges, les restaurateurs se disent aussi rassurés… à condition que l’eau ne passe pas par-dessus.

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A l’entrée et à la sortie de Szentendre, militaires d’un côté, volontaires de l’autre, on stocke des sacs de sable. Le jardin du Centre pour l’environnement de la région de l’Europe centrale et de l’Est est déjà englouti sous les eaux. Les locaux devraient résister, comme lors de chaque grande inondation, pronostique un gardien de cet élégant édifice, bâti trop près du rivage.
La différence, c’est que cette fois la catastrophe s’annonce plus menaçante. On commence même par redouter que les débordements du Danube n’atteignent les réservoirs de stockage des restes des boues rouges récupérées après l’accident de l’usine d’aluminium d’Ajka survenue en 2010, la pire catastrophe industrielle et écologique qu’a connue le pays.

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Alors, en saluant une fois encore les volontaires, jeudi soir à la radio, Viktor Orban les a aussi engagés à garder de l’énergie pour les prochains jours. A Budapest, ce sont des dizaines de milliers de riverains qui risquent d’avoir à évacuer les lieux.
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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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