Quelques propriétaires parisiens proposent des locations à des prix bien inférieurs à ceux du marché. Charité chrétienne pour les uns, avantages fiscaux pour les autres… leurs motivations varient, mais tous changent le quotidien de leurs locataires.
Chambre de bonne de 9 m2, à côté du jardin du Luxembourg, 80 euros par mois. Trop beau pour être vrai ? Pas pour Slaven, ancien SDF qui a troqué l’entrée du parking, en bas de l’immeuble, pour le sixième étage.
La propriétaire, Anne Morin, 87 ans, habite un 200 m2 peuplé de plantes vertes et de bibelots chrétiens, en haut de la rue d’Assas dans le VIe arrondissement de Paris. Habituée de la paroisse Notre-Dame-des-Champs, ce fut longtemps à travers elle qu’elle loua cette chambre.
Puis, il y a une dizaine d’années, la chambre se libère. Son mari et elle proposent alors à Slaven de venir l’occuper. Anne :
« Je l’avais déjà repéré, on avait sympathisé, je lui parlais souvent dans la rue. Il vient de temps en temps manger et prendre une douche. Je lui donne aussi parfois quelques courses à faire pour moi. Nous avons une très bonne relation. »
Plus de cinq millions de Français sont « fragilisés » par la crise du logement en Francce, selon la Fondation Abbé-Pierre qui a publié vendredi son 18e rapport sur la question.
Il lui paye en liquide un loyer dont le montant n’a pas changé en dix ans.
Pas de peur chez cette dame âgée : sa démarche lui semble tout à fait naturelle. Ce sont les autres qui ont des demandes « étonnantes » :
« On habite dans un quartier favorisé, et mon mari et moi ne comprenions pas que les gens louent à des prix si forts leur chambre de bonne. S’ils la louent 500 euros par mois, cela leur fait 6 000 euros de revenus par an. Dans un quartier bourgeois comme le nôtre, les gens ne sont pas à 6 000 euros près ! »
Les copropriétaires n’ont pas toujours vu d’un bon œil l’arrivée d’un SDF dans leur immeuble. Cela fait sourire Anne, avec malice :
« Je suis passée pour une illuminée auprès de l’assemblée des copropriétaires. Mais finalement, tout le monde est très aimable et même plus souriant depuis. »
Difficile de ne pas admirer cette vieille dame, qui ne comprend pas qu’avec la crise du logement,« certaines chambres de service dans l’immeuble servent de vide-greniers à des propriétaires, alors qu’il suffirait de quelques travaux pour les réhabiliter ».