Travailler moins pour gagner plus

EXPLOITATION

« L’argent est ce qui manque, mais ce dont on manque n’est pas l’argent ».

Il est loin le temps où certains promettaient : une vie d’homme libérée du travail pour chaque nouvelle machine qui le remplacerait.

On sait aujourd’hui que le progrès technique industriel a surtout permis de réduire les coûts globaux du travail, tout en augmentant les profits.

La prise de risque liée à l’investissement justifiant la légitimité des profits bénéficiant aux seuls actionnaires, l’écart des revenus entre dirigeants d’entreprises et salariés s’agrandissant d’année en année. Les travailleurs n’ayant quant à eux que peu évolué dans leur statut social au sein des entreprises, si ce n’est via la syndicalisation, souvent outil de contre-pouvoir et de revendication plutôt que de coopération.

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L’emploi est devenu la cible à atteindre, le remède à tous nos maux, et pourtant… L’instabilité actuelle du marché du travail place les salariés dans une insécurité constante. Le plein-emploi n’est plus qu’un mythe. Si certains s’épanouissent, d’autres luttent ou souffrent.

De plus, par différents mécanismes économiques, le chômage est presque institutionnalisé, profitant indirectement à la régulation salariale.

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Si le défi du bien-être pour tous s’impose à nous aujourd’hui c’est que l’humanité mûrit cette idée depuis longtemps. Comment ne pas se rendre à l’évidence qu’une société saine ne peut se garantir sans l’objectif d’offrir la possibilité à ses citoyens de s’épanouir, librement et sans contrainte, ou plutôt avec les seules contraintes qu’ils se fixeront par eux-mêmes ? C’est en cela que la liberté doit être considérée aujourd’hui : rompre définitivement tout lien d’asservissement qui empêche l’épanouissement et la diversité humaine de se révéler. Il est là aussi le progrès, plus que dans toute machine.

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Le système bancaire et monétaire : dans un monde où la monnaie est le vecteur principal des échanges humains, il est important de bien envisager l’argent comme un outil censé apporter la dignité et la prospérité de tous par l’échange. La monnaie est aujourd’hui une dette virtuelle envers les banques émettrices, assurée par aucun équivalent matériel. Il est sans doute opportun de se demander en quoi nous pouvons influencer cet outil qu’est l’argent virtuel pour assurer le bien-être commun.

Dans cette optique, il est nécessaire de remettre en cause le fonctionnement actuel de la création monétaire au système bancaire ; la remise en cause aussi des dettes publiques et de la légitimité des banques à engendrer des profits sur les collectivités. Si l’outil « argent » est entre les mains des citoyens (et il n’existe pas de logique qui puisse s’y opposer), alors il nous est libre de réfléchir à de nouvelles façons d’utiliser cette monnaie qui n’existe que pour créer des échanges entre nous. C’est la base de tout projet de réforme globale, s’assurer que le financement d’un monde plus juste pour l’ensemble des collectivités ne rencontre pas la contrainte des marchés privés.

Financer l’égalité, oser choisir : il est impossible de ne pas constater les écarts grandissants de niveau de vie parmi la population française, européenne, mondiale. Les inégalités sont frappantes, mais plus encore que le confort des golden-boys, c’est le désarroi des plus démunis qui révoltent nos consciences. Il est de notre devoir d’offrir à chacun une possibilité de vie digne. Ce doit être un combat aujourd’hui, car on ne sait pas ce que le monde réserve à nos enfants pour demain. Sauf si nous commençons aujourd’hui par écrire notre avenir.

C’est ce que font les militants pour le revenu de base inconditionnel. Leur proposition, en partie relayée au parlement européen cette année, porte sur un revenu égalitaire et inconditionnel, dissocié du revenu issu du travail.

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Ce revenu serait calculé sur base des besoins « occidentaux » de base (logement, charge, alimentation, locomotion, communication), l’ensemble du revenu serait donc réinjecté dans l’économie réelle. Tout revenu issu du travail viendrait s’ajouter au revenu de base.

Les effets espérés de cette émancipation revenue/travail : diminution spectaculaire de la pauvreté, hausse du pouvoir d’achat, croissance économique, inversion du rapport offre/demande d’emploi qui aurait pour conséquence positive de rendre le choix de l’activité au travailleur (en effet, si plus de personnes se contentent du revenu de base en y ajoutant par exemple des temps partiels rémunérés, alors les offres d’emploi risquent de dépasser légèrement la demande, ce qui a pour effet non seulement d’encourager l’employeur à améliorer les conditions d’emploi, mais aussi d’offrir au demandeur d’emploi le pouvoir de décision, in fine le choix de son activité), baisse du coût du travail pour les employeurs (une partie du revenu étant assuré par le revenu de base, les salaires risquent de diminuer pour atteindre un point d’équilibre). Travailler moins pour gagner plus, c’est bien de cela qu’il est question, et le gain se fait surtout à l’avantage du temps libre et de la qualité de vie.

Pour financer ce projet, il est bon de se référer au [§ sur les banques ci-dessus] , mais également de se rendre compte qu’un tel programme permettrait d’importantes économies budgétaires en matière d’emploi, d’allocations sociales et de fiscalité.

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Toute tentative des États à ponctionner les marchés privés ou les fortunes personnelles se solde par une mise en opposition des intérêts privés/publics. Il est important de mettre fin à cette guerre d’intérêts qui divise.

Si d’une part la réappropriation de la monnaie comme simple outil d’échange (plutôt que comme valeur capitalisable) et d’autre part un projet tel que le revenu de base étaient appliqués, la fiscalité destinée à taxer les intérêts privés n’aurait alors plus lieu d’être. La seule régulation consistant à s’assurer que la liberté économique des uns ne s’effectue pas au détriment des autres, ou de leur environnement. C’est à ce propos dans le dernier point que je vous propose quelques alternatives au système de marché actuel.

En effet, il est bon de se rappeler que tout ceci se passe dans un monde fini. Et que nos espoirs de croissance infinie sont des idées qui risquent un jour futur d’être relayées dans les manuels d’Histoire comme l’absurde farce d’une civilisation incapable de voir le Monde dans lequel elle vit. Pour conclure, je vous énumère ci-dessous trois concepts liés à la monnaie susceptibles d’être des pistes de réappropriation monétaires éthiques :

– Une monnaie périssable : un moyen logique répondant à ce que tout bien possède une durée de vie limitée, un mécanisme simple qui permet de garantir un bon fonctionnement de l’économie réelle tout en rendant inutile la capitalisation des profits.

– Une monnaie locale : il n’est pas impensable de permettre à plusieurs monnaies de circuler sur un même territoire. Dans ce cas-ci, cette monnaie, issue du revenu de base ou des salaires, pourrait donner accès uniquement à des biens et services locaux (périmètre à définir), afin d’encourager les initiatives et renforcer les liens de proximité.

– Une monnaie « fructose » : concept qui propose de coupler la monnaie normale avec une monnaie ayant un étalon de valeur naturelle. Chaque produit de consommation afficherait un « coût environnemental », chaque citoyen recevrait une partie du revenu de base ou du salaire en monnaie fructose, cette monnaie permettrait l’achat de biens ayant causé une pollution lors de sa fabrication ou de son transport. La part de monnaie fructose serait inférieure à la part de monnaie classique. Ainsi, la consommation « responsable » serait encouragée.

C’est à savoir la place de l’homme dans la vie économique de demain que nous devons nous intéresser à toute initiative nouvelle qui a pour objectif de rendre à chacun sa sécurité, son autonomie, sa liberté, son épanouissement…

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A propos Frédéric Baylot

MÉDITACTION, BANDE DESTINÉE & POLÉTHIQUE « Fer senzill i lleuger, per més serenitat i alegria. » http://frederic.baylot.org/
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