Le Canard Enchaîné du 3 juillet 2013 – « Confit de Canard »
On salive d’avance, Bientôt nous allons pouvoir pousser la porte d’un resto avec la certitude que le bœuf bourguignon trônant dans l’assiette a été mitonnée en cuisine par un chef, et qu’il ne s’agit pas d’un plat industriel sous vide réchauffé, Sylvia Pinel, notre ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, a battu du tambour sur le fameux amendement « fait maison » que le gouvernement va ajouter dans son projet de loi sur la consommation. Désormais figurera sur la carte un petit logo indiquant les plats « cuisinés sur place » avec des « produits bruts », Génial ? Non.
Le « fait maison » à la mode Pinel a un goût de carton-pâte, Déjà, la dite mention est facultative, On imagine l’empressement du restaurateur à se démasquer en avouant que seuls trois ou quatre plats de son interminable carte sont touillés sur place. Et l’on souhaite bien du plaisir aux contrôleurs de la Répression des fraudes qui devront faire le tri dans les cuisine entre les plats « logotés » et les autres,
Mais l’essentiel est ailleurs : avec son logo facultatif, Pinel tue dans l’œuf une initiative parlementaire qui donnait la chair de poule à tous les mordus de la cuisine d’assemblage. En mai, le député UMP du Pas-de-Calais Daniel Fasquelle a déposé un amendement pour protéger l’appellation « restaurant ». En clair, la réserver aux seuls endroits « où l’on sert à table des plats élaborés et cuisinés sur place, à partir de produits bruts ». Voilà qui était carré et efficace, Mais trop dur à avaler pour les industriels de l’agroalimentaire qui fournissent 70% des restos de France, et pour des chaînes comme le groupe Flo (Hippopotamus, brasseries Flo, Bistro romain, La Taverne de maître Kanter…). Leur syndicat, l’Umih, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, a aussitôt fait monter la mayonnaise sur les menaces que ferait peser sur l’emploi cet « usage restrictif du mot restaurant ». Et le ministre délégué à l’Agroalimentaire, Guillaume Garot, d’en rajouter une louche en déclarant qu’il « ne faut pas opposer l’agroalimentaire à l’artisanat »…
Grâce à Sylvia Pinel, l’Umih a bon espoir de voir définitivement jeté à la poubelle l’enquiquinant amendement signé Fasquelle. La ministre a en effet prévu de regonfler le label d’Etat « maître restaurateur », que seuls 2 700 restos ont décroché, Comment ? En allégeant son cahier des charges, pourtant déjà ultra-light puisqu’il n’exige que 50% de popote préparée sur place.
A table !