Tapie – Fillon – Sarkozy : l’étau politique qui va écraser Sarkozy ?

« L’UMP ne peut pas vivre immobile, congelée, au garde- à-vous, dans l’attente d’un homme providentiel. »
Déclaration hier soir de François Fillon, monté au front contre Nicolas Sarkozy, lors d’une réunion publique à La Grande Motte. Visant l’ancien chef de l’Etat, l’ex-premier ministre lui a dénié le rôle de « recours » pour l’UMP en vue de la présidentielle de 2017.
Le Monde 12/07/2013

Tapie saisi par la justice, Fillon « furibard » : l’étau politique qui va écraser Sarkozy ?

Nouvel Obs  10-07-2013 Par Bruno Roger-Petit Chroniqueur politique
LE PLUS. D’un côté, Bernard Tapie s’embourbe dans ses affaires d’arbitrage. D’un autre, François Fillon qui espère encore compter à l’UMP. Leur point commun : ils pourraient bien faire obstacle à l’ascension de Nicolas Sarkozy. En ont-ils les moyens ? L’étau est-il en train de se resserrer autour de l’ancien président ? Décryptage avec notre chroniqueur Bruno Roger-Petit.
Fillon et Tapie sont les grands perdants de la semaine. Ironie de l’histoire, ils le doivent au même personnage.
 Du mercredi 10 juillet 2013, l’histoire retiendra deux choses :
– François Fillon était « furibard » à cause de Nicolas Sarkozy et de son show devant l’UMP,
Bernard Tapie s’est fait saisir ses biens dans le cadre de l’affaire du Crédit Lyonnais, à cause de Nicolas Sarkozy, ordonnateur du célèbre arbitrage.

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 Tapie et Fillon stopperont-ils Sarkozy dans sa course vers 2017 ? 
 Tout peut se retourner contre Sarkozy
 En France, tout commence et tout finit avec Nicolas Sarkozy, même sous François Hollande. Jamais personnage public, depuis Napoléon Ier, n’avait à ce point imprégné la conscience publique de ses concitoyens.
 Cette seconde semaine de juillet nous renvoie aux plus sidérantes heures du quinquennat Sarkozy : impossible de se réveiller le matin, d’allumer sa radio, sans se retrouver l’esprit assailli par la personne de Nicolas Sarkozy, ce qu’il dit, ce qu’il fait, ce qu’il provoque… Tout de nouveau semble procéder de sa personne, astre politique ordonnant le monde autour de lui.
 Mais cette situation est aussi porteuse de son contraire. Puisque tout procède de Sarkozy, tout peut se retourner, aussi, contre lui, et pourrait compromettre la marche en avant vers 2017. En témoignent les deux acteurs principaux de ce milieu de semaine, Fillon et Tapie…
 Fillon et son ambition présidentielle pèserait sur Sarkozy. Tapie et son affaire d’arbitrage aussi.
 Fillon pris à son propre piège
 Ainsi François Fillon. De l’ancien Premier ministre, on avait perdu la trace médiatique, et politique. On suivait le feuilleton sans intérêt, à peine interessé par le rebondissment ultime de sa guéguerre avec Jean-François Copé.
 Un jour, il annoncait sa candidature « quoi qu’il arrive » à la primaire UMP 2016 ; le lendemain, il démentait pour dire… qu’il l’avait déjà dit. Un jour décidé à ne pas laisser Copé président de l’UMP ; le lendemain, il laissait les choses en l’état…
 Fillon tentait, depuis des mois, de camoufler les renoncements et les reniements, les reculades et les dérobades en opération stratégique de haute volée. Ça ne prenait plus. On se demandait même si l’acteur croyait au non-rôle qu’il interprétait, s’il était conscient de ce que son histoire n’en était pas une.
 Il aura suffit que Sarkozy revienne, une heure, une petite heure, pour que l’on nous dise Fillon « furibard ». Enfin, l’occasion de sortir de l’émolliente apathie ! On va voir ce que l’on va voir nous dise les gazettes. Le sursaut. L’offensive. Déjà sous Fillon perce Napoléon. Le Clemenceau intérieur triomphera du Deschanel intime. Attendez-vous à savoir que le prochain grand discours fera date. Sarkozy n’aura plus qu’à rentrer rue de Miromesnil. Fillon n’est plus un collaborateur, mais un général en campagne. Attention !
 Digne de diriger une épicerie, pas un pays
 Il fallait s’attendre à cette réaction filloniste par écho de presse interposé.
 Mais en vérité qui peut y croire ? François Fillon est-il seulement capable de commencer à esquisser le début d’une narration qui puisse intéresser les Français ? Pourrait-il renoncer à cette posture de souffrance qui n’est pas sans évoquer Jacques Delors ? Pourrait-il trouver une plume qui lui confère le souffle d’un Séguin qui serait animé d’une ardeur chiraquienne ? Non.
 Du reste, le choix des mots trahit encore la faiblesse filloniste. L’ancien Premier ministre est « furibard » dit-on ? Mais il devrait déborder de haine ! Comme celui qu’il entend combattre déborde de haine contre Hollande, Debré et… Fillon ! De cette saine haine qui pousse vers les destins élevés. Mais « furibard », franchement ?
 Quand on a cette ambition-là, on ouvre une épicerie comme dirait l’autre, on ne gouverne pas un pays.
 Donc, Fillon empêchant le retour de Sarkozy. Non. On n’y croit pas.
 Le patrimoine de Tapie ne peut que susciter la haine
 Alors Tapie ? Tapie et son affaire d’arbitrage ? Tapie et sa guerre contre le Crédit lyonnais qui parait en passe de déboucher sur une affaire d’État de haute volée ? Tapie et ses camarades de mise en examen pour « escroquerie en bande organisée », les Richard et Estoup et autres Lantourne ? Tapie, dont les biens sont saisis par la justice, ce qui tendrait à prouver que les juges sont de plus en plus sûrs de leur fait ?
 La valeur des biens du couple Tapie (les saisis et les autres), tous, ou presque, acquis grâce à l’issue de la procédure d’arbitrage suspecte, procédure décidée par Nicolas Sarkozy, donne le tournis.
 Deux assurances vie pour 45 millions. Un hôtel particulier à Paris pour 69 millions. Une maison à Saint Tropez pour 48 millions. Et encore une assurance-vie à Bruxelles, pour 180 millions. Et des biens immobiliers encore. Un logement pour le fils, un logement pour la fille, pour près de 4 millions. Et encore un hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine, pour 15 millions… Et le yacht, évidemment, 40 millions. Et l’avion privé, 15 millions.
 Bernard Tapie avait au moins raison sur un point lors de sa dernière prestation sur France 2. Oui, ce patrimoine hallucinant, rapporté à sa personne, ne peut que susciter de la haine. C’est vrai. Mais cette haine risque de naître du fait que cette fortune étonnante repose en grande partie sur une escroquerie en bande organisée, ce qui change tout. Tant de biens accumulés sur ce qui pourrait être, in fine, une escroquerie, cela ne peut gère incliner à l’indulgence populaire dans la France de 2013.
 Et si Tapie emmenait Sarkozy dans sa chute ?
 Ce dossier Tapie, dont il est impossible aujourd’hui, en l’état, d’imaginer qu’il ne débouche pas sur une mise en cause pénale de certains responsables politiques qui ont eu à connaitre du dossier, est-il de nature à inquiéter Nicolas Sarkozy ? Tapie n’en a-t-il pas trop fait, au risque, d’une façon ou d’une autre, de faire plonger, le cas échéant, Nicolas Sarkozy avec lui ?
 A ce stade de nos connaissances, la réponse ne peut qu’être, en grande partie, intuitive. Prenons le risque, malgré tout.
 Pour tout dire, dans l’affaire Tapie comme dans l’affaire Bettencourt, tout nous indique que Nicolas Sarkozy s’en tirera sans dommage réel au plan politique (et l’on insiste bien : politique).
 Quoi qu’il puisse lui arriver, de toutes les manières, l’électorat UMP sera persuadé que tout cela relève du complot, de l’acharnement et de la volonté d’abattre son champion par tous les moyens. Ce n’est sans doute pas par inadvertance que Nicolas Sarkozy a lâché sa petite phrase sur le Conseil constitutionnel lors de son show devant l’UMP.
 « Respecter les institutions, ce n’est pas en accepter toutes les décisions. »
 Petit doigt suggère que la formule sera reprise, le moment venu.
 Comme Fillon le « furibard », Tapie et son affaire d’arbitrage ne devrait entraver la marche triomphale de Sarkozy vers la candidature 2017.
 « Hollande a intégré l’idée qu’il aurait Sarkozy face à lui »
 Tout part de Sarkozy, tout relie à Sarkozy, tout devrait empêcher d’assister à ce spectacle sidérant qui s’annonce, le retour à une candidature 2017 du président le plus détesté de la Ve république, et pourtant, cela n’aura pas lieu.
 Ni Fillon, volontairement, ni Tapie, involontairement, ni personne en définitive, ne peut arrêter la mécanique folle qui s’est enclenchée à droite cette semaine. Seule une privation de ses droits civiques pourrait empêcher l’ancien président d’être candidat en 2017. Et quelles que soient les affaires pendantes devant la justice, leur cours prévisible ou imprévisible, en l’état actuel de la France, des Français et des électeurs UMP, quels juges oseraient ?
 Les proches de Sarkozy eux-mêmes n’en doutent plus. L’un d’entre eux a même confié à l’auteur de ces lignes (ce mardi passé) : « François Hollande a déjà intégré l’idée qu’il aurait Nicolas Sarkozy en face de lui en 2017 ».
 Le tout asséné la mâchoire serrée et l’œil acéré.
Édité par Aude Baron  Auteur parrainé par Benoît Raphaël

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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