Les sifflets du 14 juillet

Jacques SapirMarianne Lundi 15 Juillet 2013 par Jacques Sapir
Ainsi, François Hollande, président de la République, a-t-il été sifflé ce 14 juillet 2013 sur le parcours du défilé célébrant la fête nationale. Qu’un président soit sifflé ou hué lors d’un déplacement en province ou lors d’une réunion publique, cela s’est déjà vu. Mais, qu’un président soit sifflé lors du 14 juillet, moment éminemment symbolique où ce n’est pas sa personne privée qui est mise en avant mais sa fonction publique, témoigne de ce que nous avons progressé dans la crise de régime.
Pourquoi siffle-t-on un président ? On peut y voir l’exaspération de ses adversaires qui n’ont pas fait leur deuil de sa victoire à l’élection de 2012. Mais, si c’est le cas, c’est ramener ce geste à la hauteur de ces supporters imbéciles qui sifflent quand un joueur adverse va tirer un coup franc, un penalty ou une pénalité. C’est une lamentable mascarade qui ne fait que souligner la puérilité de ses auteurs.
On ne siffle pas un président, dans l’exercice de sa plus authentique fonction, celle de « père symbolique » de la Nation, pour le plaisir. On ne le fait que pour souligner l’illégitimité de l’élu légal. Et, comme il a été légalement élu, il faut expliquer pourquoi il est illégitime. La figure du dirigeant illégitime est celle du Tyran. S’il est parvenu au pouvoir par des voies légales, c’est un Tyrannus ab Exercitio qui, par l’usage qu’il a fait de son pouvoir, a rompu l’ordre légitime et donc délié le peuple du respect qu’il doit à la fonction incarnée dans sa personne. Siffler François Hollande en ce 14 juillet c’est donc instruire ce procès là, et pas autre chose.
Un faux procès
Qu’a donc fait François Hollande pour perdre en un peu plus d’un an la légitimité qu’il avait acquise par son élection ?
Beaucoup vont penser à la loi dite du « mariage pour tous » et invoquer le « droit naturel » qui aurait été violé en l’occurrence. Mais, le « droit naturel » n’existe que dans une conception du Peuple et de la Nation où une seule religion exerce son influence. C’est une réminiscence du vieux principe « une foi, une loi, un Roi », que l’on a évoqué dans le précédent billet, et qui est définitivement mort avec les guerres de religions. Ce n’est pas parce que les religions dites « du livre » dominent en France qu’il faut négliger ceux qui n’ont aucune religion (les athées que les sondages mettent à 35% de la population française) ou ceux qui pratiquent une autre religion. La diversité des opinions religieuses est un fait qui interdit de prétendre fonder sur un quelconque « droit naturel » d’origine religieuse le droit réellement existant.
La référence à la religion divise (et souvent de manière sanglante) alors que le droit doit unir. Le droit ne tire sa justification que de sa capacité à faire vivre ensemble, sur un territoire donné, des personnes aussi diverses que leurs opinions et leurs intérêts. C’est pour cela qu’il est fondamentalement une création humaine et un acte social, mais en même temps qu’il doit se présenter comme au-dessus de ces mêmes actions afin de pouvoir peser sur elles. La sacralité du droit est à la fois une condition nécessaire à sa fonctionnalité et une imposture.
C’est aussi la raison pour laquelle il n’y a pas de « droit naturel » (au sens découlant d’un ordre naturel et non de décisions humaines) mais que le droit doit se représenter comme en surplomb par rapport aux sociétés qu’il régit s’il veut fonctionner.
C’est aussi la raison pour laquelle le droit international est un droit de coordination et non un droit de subordination. En d’autres termes, il doit respecter la souveraineté des pays (règle de l’unanimité pour la prise de décisions) et l’antériorité de leur droit national. Ici, le droit n’a d’autres buts que d’éviter que la force (la guerre) soit la seule manière de régler les différents entre les nations.
 De vrais griefs
Mais, si François Hollande n’a pas violé un « droit naturel » dans l’exercice de ses fonctions, d’où peut provenir sa perte de légitimité qui justifierait les sifflets dont il fut l’objet en ce 14 juillet ?
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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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