Twitter : des cui-cui et des neuneus

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…  le piaf bleu justifie-t-il l’intérêt médiatique qu’on lui porte désormais systématiquement ?
Charlie Hebdo – 24/07/13 – Gérard Biard
Vous n’avez pas pu passer à côté, c’est l’info de la semaine dernière, celle qui a déclenché la polémique, passionné les médias et agité la droite pendant trois jours, déclenchant même une intervention du premier ministre à l’assemblée. Non, rien à voir avec la faillite de l’UMP ni avec l’Alzheimer de Cahuzac, ni avec l’otage français Philippe Verdon abattu par ses ravisseurs au Mali.
Rien à voir non plus avec la première visite officielle en France du président birman, Thein Sein, qui s’est déroulée dans un silence médiatique aussi épais que la pile de contrats que l’on espère signer avec ce beau pays enfin fréquentable et où tout, ou presque, est à construire – à commencer, soyons sérieux, par la démocratie.
Non, le scoop qui a fait sensation la semaine passée, c’est que Xavier Cantat, le compagnon de Cécile Duflot, n’aime pas les défilés militaires ! Il a ostensiblement déserté la cérémonie militaire du 14 juillet, tandis qu’il tweetait à la volée : « Fier que la chaise à mon nom reste vide au défilé de bottes des Champs-Elysées. »
Donc XavierCantat n’aime pas le son des clairons et du tambour. C’est son droit. Rien ne dit dans la constitution que les compagnes et compagnons de ministres doivent obligatoirement assister aux parades en uniforme Rien ne dit non plus, d’ailleurs, que les ministres eux(mêmes ont le devoir d’afficher un bellicisme en rapport avec la grandeur de la nation. Voilà pourtant ce qui a, trois jours durant, occupé bon nombre de nos confrères et scandalisé la droite, qui est curieusement moins sourcilleuse avec le respect dû aux institutions de la République quand il s’agit d’accrocher – certes virtuellement, mais le cœur y est – les membres du Conseil constitutionnel à un croc de boucher.
Il y a beaucoup à dire sur cette histoire non pas sur le tweet de Xavier Cantat, qui n’est que l’expression d’une position personnelle, partagée sans doute par des centaines de milliers de Français et justifiant d’autant moins le tollé qu’elle a provoqué que son auteur n’a aucune charge publique, mais sur Twitter lui-même. Le « réseau social » est devenu, en un temps record, la source d’information favorite des médias et le lieu de tous les débats. Ce ne serait pas un problème s’il produisait, un, de l’info, deux, de la pensée.
Pour la première, à de très rares exceptions, on est proche du néant : le plus souvent, Twitter diffuse surtout des rumeurs et des humeurs. Quant à la seconde, on est encore loin du compte. Comment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement ? En 140 signes, que peut-on produire de mieux qu’une remarque plus ou moins fine, une répartie plus ou moins acide ou un embryon de réflexion lapidairement formulé ? Qui plus est, la nature même de Twitter, qui permet la quasi-instantanéité de la parole, procure l’illusion de débat mais en supprime ce qui lui donne corps : plus la peine de laisser parler l’autre et de puiser dans ce temps d’écoute – ou de non-écoute – de quoi structurer un minimum sa pensée. On est seul avec son clavier et on y tapote ses idées, ou ce qui en fait office, comme elles viennent. C’est une sorte de carnet intime, mais relié au monde, Au monde de faire le tri…
Voilà ce qu’est, au fond, Twitter : une parole publique, mais sans surmoi. Dans le meilleur des cas, une cour de récré, dans le pire un comptoir de bistrot après plusieurs tournées, Dans ces conditions, le piaf bleu justifie-t-il l’intérêt médiatique qu’on lui porte désormais systématiquement ? Oui si c’est un élu ou un personnage politique qui s’exprime, car ces 140 signes jetés parfois instinctivement sur la place publique peuvent nous éclairer sur sa personnalité. Non si c’est un citoyen lambda, comme Xavier Cantat, et que ce qu’il écrit ne tombe pas sous le coup de loi – le pacifisme, c’est heureux, n’est pas un délit. Son tweet, comme des milliers d’autres commentés chaque semaine, n’aurait dû retenir l’attention que le temps qu’il a mis pour l’écrire : trente secondes.

ales indégivrables

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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