Notre vie s’écoule par les yeux …

Charlie Hebdo – 24/07/13 – Charb
Les Français consacrent en moyenne douze heures et douze minutes aux jeux vidéo ! Je secoue au clobac le quotidien qui donne cette nouvelle. Tu vas parler, oui ! Douze heures par an ? Douze heures par mois ? Oh ? Je chope un autre quotidien, qui, impressionné par les violences que je viens d’exercer sur son concurrent, me livre enfin l’info : les Français passent plus de douze heures par semaine à jouer à des jeux vidéo ! Par SEMAINE ! L’enquête, réalisée par l’institut GfK, porte sur 2 314 personnes âgées de 10 à 65 ans. Comment est-ce matériellement possible ?
Si l’on considère que, douze heures, c’est une moyenne, cela veut dire qu’il y a des êtres humains qui passent beaucoup plus de douze heures par semaine les yeux vissés sur un écran où des personnages au regard vide et à la démarche encore un peu raide malgré les progrès réalisés dans le domaine de l’animation numérique font la course, s’entre-tuent ou bien construisent une ville moche…
C’est rigolo de tuer des zombies virtuels, mais douze heures ! C’est un boulot, ce n’est plus un loisir Le gouvernement a les moyens d’éradiquer le chômage, il suffit de décréter que tuer des zombies est un vrai travail qui mérite salaire Toi aussi, empêche les zombies d’installer leur campement sur le terrain de foot de Nice ! Et promener Super Mario dans une forêt saturée de couleurs vomitives et peuplée de bestioles fluo, c’est de l’aide à la personne ! Les pauvres gens qui torchent Super Mario douze heures par semaine devraient être rémunérées en Chèques emploi service. Quant aux entrepreneurs qui bâtissent des villes numériques dans un pays qui manque cruellement de logements, ils devraient être traités comme des bienfaiteurs de l’humanité et rémunérés en conséquence.

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Mais une fois que les Français ont trituré douze heures les manettes et les boutons de leur Xbox ou de leur iPhone, la semaine n’est pas terminée. Ils trouvent encore du temps pour écouter de la musique. Ils en écoutent six heures et vingt-deux minutes (hors radio) Bon, on peut jouer à Super Golio en écoutant de la musique… Mais il faut un minimum de concentration pour regarder aussi quatre heures et vingt-trois minutes des vidéos sur Internet chaque semaine ! L’enquête ne dit pas combien de temps les Français passent devant la télé, mais si l’on croit les chiffres de Médiamétrie publiés en janvier 2013, l’écran nous lèche le globe oculaire trois heures et cinquante minutes par jour… Ce qui ne fait pas loin de vingt-six heures par semaine Nous consacrons donc, sans compter le boulot…, plus de cinquante-six heures d’attention à l’écran par semaine. Largement plus d’un week-end sans sans dormir ! Attends, ami lecteur, ce n’est pas fini : nous passons aussi cinq heures trente-deux minutes à lire par semaine.

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Pas besoin de police, il y a les écrans
Où, quelqu’un qui aurait la « chance » de travailler trente-cinq heures par semaine trouve-t-il le temps de rencontrer des potes et de refaire le monde ? Sans rire ? Une révolution, ça se prépare ! Quelle vie sociale reste-t-il après les heures d’écran ? Même si on considère que les zombies de nos jeux vidéo sont assez proches idéologiquement des dirigeants du Medef, ce n’est pas en luttant contre des morts-vivants virtuels qu’on bouleversera l’ordre établi. Et puis, quand est-ce qu’on baise ? Est-ce que ça vaut le coup d’allonger la durée de vie pour que des écrans dévorent tout ce temps qu’on aura gagné sur la mort ?
Oui, chacun fait ce qu’il veut de sa Vie. Mais lorsqu’on passe plus de cinquante-six heures à regarder des images bouger à notre place, est-ce que ce ne sont pas les images qui font de nous ce qu’elles veulent ? Bon, je retourne finir ma partie…

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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