Culture – Albert Camus/Louis Guilloux « Correspondance 1945-1959 »,

 La correspondance Camus-Guilloux, une histoire d’hommes et d’amitié
Leurs lettres débutent par des « mon vieux Louis » ou « mon Albert ». Elles se terminent par des expressions comme « très affectueusement » ou « ton vieux »: publiée par Gallimard à l’occasion du centenaire de la naissance d’Albert Camus, sa correspondance avec l’écrivain breton Louis Guilloux témoigne d’une amitié indéfectible.

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 Lorsque, en 1945, Albert Camus rencontre Louis Guilloux chez Gallimard, leur éditeur commun, le premier n’est encore qu’un jeune écrivain quand le second, de 14 ans son aîné, est déjà reconnu: immédiatement, une amitié jamais démentie s’impose à eux comme une évidence, jusqu’à la mort tragique de Camus, en 1960.
« Ils se sont attirés respectivement », constate Arnaud Flici, responsable du fonds Louis Guilloux.
L’Algérien, l’homme du Sud en quête de lumière, et le Breton, plutôt sombre et enclin au doute, ont beaucoup en commun: « ils sont issus tous les deux de familles pauvres, et partagent de ce fait une modestie inhérente qui les amène à ne pas être forcément à l’aise avec certains milieux. Ils sont habités par une espèce de méfiance spontanée envers les idées toutes faites et partagent le refus des partis ». Journalistes pendant un temps, « influencés par les théoriciens russes de l’anarchie, (…) tous deux aspirent à un monde plus juste et plus fraternel », relève M. Flici.
Très vite, leurs relations s’étendent au cercle familial. Albert Camus se rend une première fois à Saint-Brieuc, à l’été 1947, pour une dizaine de jours. « J’avais 14 ans et demi quand j’ai connu Albert. On sortait à droite, à gauche, avec lui et mes parents. C’était très agréable. Plus tard, on a logé chez eux (Camus, Francine et leurs enfants, ndlr) aussi à Paris. C’était vraiment comme de la famille », confie à l’AFP Yvonne, fille unique de Louis Guilloux décédé en 1980.
Le relecteur de « La Peste »
Au-delà de l’amitié, le voyage à Saint-Brieuc marque Camus: pour la première fois, il se recueille sur la tombe de son père qu’il n’a pas connu. Blessé au début de la Grande guerre en 1914, Lucien Camus est évacué à l’hôpital de Saint-Brieuc où il meurt peu après. Albert a un an. De la maison des Guilloux où séjourne Camus, on voit le cimetière où repose son père.
De là naîtra « Le Premier Homme »: « sa rencontre avec son père a bouleversé son processus de création », assure Arnaud Flici.
Car rapidement, les relations humaines entre Camus et Guilloux vont se doubler d’une intense complicité littéraire. « Il y a un rôle incontestable de Guilloux dans le processus de création de Camus. Jusqu’au bout, celui-ci lui fait relire ses manuscrits. Le premier état de +La Peste+, par exemple, est relu et annoté par Guilloux et Camus lui écrit: +j’ai intégré toutes tes remarques+ », note le responsable du fonds Guilloux.
« Une bonne part de leur correspondance est consacrée à leur travail d’écrivain », relève Agnès Spiquel-Courdille, qui signe la préface de cette correspondance. Ainsi, rappelle-t-elle, Camus, « peinant à écrire +La Peste+ », trouve « dans Le Sang Noir des leçons d’écriture romanesque ». « J’ai honte et je me suis senti très petit garçon, écrit le futur Prix Nobel à Guilloux. Je ne connais personne qui sache faire vivre ses personnages comme tu le fais ».
Même sans Gallimard, ces deux-là devaient inéluctablement se rencontrer: très influent, Jean Grenier, professeur de philosophie de Camus à Alger, est l’ami de jeunesse de Guilloux à Saint-Brieuc, où tous deux vécurent jusqu’au baccalauréat. « J’ai quelqu’un que j’aimerais te faire rencontrer », écrit ainsi Grenier, depuis Alger, à son ami briochin, les invitant à se lire avant d’être réunis.
Toute la densité de leur amitié se retrouve dans cette dédicace de Camus, adressée à Guilloux, sur un exemplaire de « L’Homme révolté », en 1951: « pour toi, mon vieux Louis,/ ce livre dont tu es un des rares à savoir ce qu’il représente pour moi / avec la fraternelle tendresse / de ton vieux / Camus ».
Albert Camus/Louis Guilloux « Correspondance 1945-1959 », éditions Gallimard, 18,50 euros.

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 TV5MONDE SAINT-BRIEUC, 24 oct 2013 (AFP) – 24.10.2013 – Par Clarisse LUCAS  © 2013 AFP

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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