Croix-Rouge – 150 ans après sa création :  » Réhumaniser l’humanitaire »

Le Point –  28/10/2013

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En 150 ans, l’humanitaire a changé de visage. Et le médecin Pascal Grellety-Bosviel, qui a vécu le dernier tiers de cette période, l’observe avec lucidité: « Au début on était des cow-boys humanitaires, on est devenus des techniciens ».
Il faut « réhumaniser » l’humanitaire, plaide ce monsieur de 82 ans, à la moustache désormais blanche, qui fut l’un des fondateurs de Médecins sans frontières.
Dans son appartement parisien ou il fait pousser des baobabs, il évoque son ensemble de carnets de missions écrits « à chaud » et illustrés de sa main par des aquarelles ou photos, publiés cette semaine par la délégation en France du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avec la journaliste Sophie Bocquillon.
Dans « Toute une vie d’humanitaire », le French doctor livre un regard parfois tendre, parfois moqueur sur sa profession. Il y dépeint avec humour ses patients mais aussi ses confrères qu’il croque occupés à compiler des données statistiques, devant leurs machines, envoyant paître les malades.

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« Avant, on discutait avec les populations. Maintenant on demande tellement de boulot aux équipes qu’ils deviennent des techniciens », explique à l’AFP M. Grellety-Bosviel.
A force de compter les calories fournies et les litres d’eau distribués, les humanitaires s’exposent davantage, estime-t-il. « Toutes les bricoles qu’on a, les enlèvements, c’est parce qu’il y a moins d’empathie. On est moins reconnus comme humanitaires, les populations nous prennent pour des +Américains+, ou des militaires ».

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« Dans les pays à risques, Afghanistan, Yémen ou Darfour, les +expats+ partent sans connaissance. Certains ne savent pas la différence entre chiites et sunnites », relève en guise d’exemple l’humanitaire arabisant qui fut prisonnier à deux reprises.
Masser les pieds des orphelins
Envoyé un peu partout dans le monde, chaque soir il couchait sur le papier ses impressions, lampe tempête sur le front, à l’abri sous sa moustiquaire. Une façon de « laisser une trace » et « libérer sa mémoire ».

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« Heureux dans la foule », ce féru d’anthropologie s’émerveille des rencontres qui ont émaillé son parcours. Surgissent sous son pinceau des « Tziganes de la mer » aux Philippines ou des porteurs de kotékas (protections pour pénis) en Indonésie.
Mais l’horreur se dressa aussi sur son chemin comme le « génocide au soleil » au Timor ou le drame des orphelins roumains qui, délaissés de tous, se laissent mourir dans la crasse. Le médecin apprendra aux infirmières qui les soignent à leur masser les pieds, une façon de renouer un contact avec les petits, privés d’affection.
C’est le génocide du Biafra qui le poussera, avec d’autres dont l’ancien ministre Bernard Kouchner, à créer MSF, en 1971. Les humanitaires, « horrifiés », devaient alors opérer un tri entre les blessés qu’on pouvait soigner et ceux qui allaient mourir, tandis que le monde fermait les yeux, se souvient-il.
« On se disait « +merde, il faut témoigner! » A son retour, il raconte, dans des conférences, la tragédie biafraise. Toujours témoigner, « si c’est dans l’intérêt des populations ».

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Critique envers les ONG qui interviennent massivement dans l’urgence et repartent en laissant des populations livrées à elles-mêmes, il s’inquiète aussi des traces laissées par le passage des humanitaires. « On intervient brutalement dans les sociétés sans voir les conséquences », déplore-t-il. Or, « on crée des besoins », « on est responsables des changements qu’on opère ».
L’humanitaire regrette aussi le primat de la médecine occidentale et le peu de place laissée aux médecins traditionnels et aux sorciers. Mais il y a eu aussi des changements positifs: « On est mieux équipés, on a fait des progrès, et la mortalité a reculé dans beaucoup d’endroits, heureusement. »

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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