Mets ton bonnet !

Le Canard Enchaîné du 6/11/13 – C.N.

Quel coup génial, ce bonnet rouge ! A quoi reconnait-on une vraie révolution en 2013 ? A l’accessoire. Il suffit de l’avoir pour en être Pour l’essentiel, en revanche, c’est beaucoup plus confus…

Marre de l’écotaxe, mets ton bonnet ! Marre des impôts, mets ton bonnet ! Marre de Hollande, d’Ayrault et de Duflot, mets ton bonnet ! Marre de la crise, mets ton bonnet ! Marre du système, mets ton bonnet ! Marre de tes parents et de la société, mets ton bonnet ! Et, si tu n’en trouves, aucun souci : va taper à la porte du nouveau roi de la pub gratuite et du placement de produits !                             Ainsi, la société Armor Lux, qui avait dopé ses ventes de marinières en habillant Montebourg en mousse, a offert les 900 bonnets pour la première manif autour du portique écotaxe de Pont-de-Buis.        Pour les rassemblements suivants, le fabricant quimpérois afait tourrner à plein régime ses machines à coudre et ses ouvrières, histoire de produire ses bonnets comme des petits pains, par milliers, et de les vendre, cette fois. Pas cher ! 4 euros. Une touchante contribution désintéressée à la révolution.

Laquelle, au fait ? Celle d’hier ou celle d’aujourd’hui ? Dans les cortèges de celle d’hier, en 1675, il n’y avait que des paysans bretons miséreux qui crevaient sous la dalle après de mauvaises moissons et croulaient sous les impôts. Colbert avait choisi ce moment pour les taxer davantage et pallier ainsi les dépenses somptuaires de Louis XIV Lequel vidait le trésor royal à force de guerroyer contre la Hollande (ah, ah ! quel symbole !). Une violente révolte paysanne contre le roi et l’oppression seigneuriale, en somme, dont les meneurs finirent pendus aux arbres par les troupes royales.

Dans les cortèges de 2013, des agriculteurs en train de crever sont bien là. Des étudiants. Des chômeurs. Des transporteurs routiers. Mais aussi des petits, des moyens et des plus gros patrons de l’agroalimentaire. Des types pas vraiment dans le besoin. Des ultralibéraux du Medef, des grands producteurs, les meilleurs amis du productivisme à tout-va de la FNSEA, etc. Il y a encore des manifestants anti-PS. Et il y a même quelques petits fachos malins du mouvement identitaire Jeune Bretagne qui lancent des pétitions de soutien pour « défendre le droit de vivre et de travailler au pays » et témoigner de leur solidarité « avec ces nouveaux chouans« …

C’est un rusé patron du syndicat des exploitants agricoles du Finistère, Thierry Merret, un petit pro de la com’, qui a eu la bonne idée de ressortir ce bonnet rouge d’hier, qui n’a pas grand chose à voir avec celui d’aujourd’hui.