Prostitution – Elisabeth Lévy et ces 343 salauds qui n’en étaient pas tous … ? : le mea culpa de Nicolas Bedos

 LE MONDE | 08.11.2013 | Par Ariane Chemin
elisabeth_levyIl faut toujours se méfier des rois (reines) de l’agit-prop. Surtout lorsque, comme Frédéric Beigbeder et Elisabeth Lévy, ils ont un journal à vendre : Lui, relancé en cette rentrée, dont « Beig » dirige la rédaction, et Causeur, fondé par Elisabeth Lévy, un mensuel d’opinion fondé de « réacs en tout genre », comme le dit sa fondatrice, venue de la gauche chevènementiste.
Il s’inspire des brillantes revues de la droite britannique ou américaine, comme The Spectator à Londres, ou The American Conservative à Washington.
Plusieurs pétitionnaires expliquent aujourd’hui, furieux, qu’ils n’ont jamais signé le « manifeste des 343 salauds » contre la loi pénalisant les clients de prostituées, et intitulé « Touche pas à ma pute ». L’appel, qui fait polémique depuis une semaine, est paru jeudi 7 novembre dans Causeur. L’écrivain François Taillandier, auteur notamment de la saga romanesque La Grande Intrigue (Stock), est ainsi très contrarié, et l’a fait savoir au Monde.
« Je ne retire pas ma signature – d’ailleurs c’est trop tard –, et puis je trouve que ce serait lâche. Je crois, et c’est le sens de ma signature, qu’une loi consistant à pénaliser le “client” est à la fois absurde et chimérique, mais Elisabeth Lévy m’a piégé pour des raisons mercantiles. Je peux être bête ou naïf, mais certainement pas un salaud », plaide-t-il.
« Il m’appelait tous les jours pour me dire : ‘Ne recule pas !’, s’offusque Elisabeth Lévy. Ce n’est pas ma faute si le numéro a du succès et si ça ne lui plaît pas !’
« CONVERSATION SAUTILLANTE »
ac-durandL’éditeur Claude Durand n’est pas en reste. « Je ne signe jamais de pétition. J’ai déjeuné avec Elisabeth Lévy, une vieille connaissance. Elle m’a mis sous le nez ce papier. J’ai retrouvé mon nom sur le site de Causeur. Je lui avais pourtant expliqué que je ne méritais pas le titre glorieux de salaud parce que je n’ai jamais consommé et parce que je ne fréquente pas les bordels. Elle a miné son entreprise par un intitulé vulgaire et déplacé », dit l’ex-patron de Fayard.
« Il charrie, soupire Elisabeth Lévy. Je crois volontiers qu’il n’avait pas fait attention au titre, et serais désolée pour lui que ça perturbe son élection à l’Académie française, mais je n’ai aucun doute : Claude Durand a signé. »
adaniel_lecomte_smallLe producteur et journaliste Daniel Leconte, enfin, tente démenti après démenti, en vain. « Calomniez, calomniez, il en reste toujours quelque chose, c’est malheureusement la loi du Web. Se faire traiter de ‘salaud’ par des gens qui vous enrôlent dans leur bande sans vous demander votre accord et dans le même temps se faire agonir d’injures par ceux de la bande d’en face qui les détestent, c’est une vraie performance qui mérite le respect… » Elisabeth Lévy l’a confirmé sur le site de sa revue : « A la suite d’une conversation téléphonique, amusante et sautillante, avec mon ami Daniel Leconte […], j’ai cru qu’il avait donné son accord pour signer le manifeste que vous savez. Je me suis trompée : mon oreille avait fourché. »
Ariane Chemin  Journaliste au Monde

Il fallait oser… sévèrement bornés

M le magazine du Monde | 08.11.2013 à 12h34 | Par Jean-Michel Normand
anicolas BedosSes comparses ont dû se pousser du coude en se disant qu’il était revenu au bercail. Parmi les signataires du manifeste dit des « 343 salauds » et intitulé « Touche pas à ma pute », le flamboyant mea culpa de Nicolas Bedos a dû susciter quelques saillies drolatiques empreintes d’une saine virilité.
A peine la liste des gentils membres rameutés par le mensuel néo-réac Causeur contre le projet de loi pénalisant le recours aux prostituées était-elle connue que l’humoriste se répandait en remords. « Je me retrouve avec Ivan Rioufol, Eric Zemmour et Basile de Koch, c’est un cauchemar ! », s’est-il étranglé le lendemain dans Le Parisien. Le pauvre garçon, persuadé de participer à « une démarche intellectuelle et littéraire » (sic), s’est retrouvé enrôlé dans un commando de mâles dominants sévèrement bornés.
« SEXUELLEMENT CORRECT »
S’étant brusquement souvenu qu’il est le filleul de l’avocate Gisèle Halimi (l’une des initiatrices de l’appel, en 1971, des « 343 salopes » réclamant le libre accès à la contraception et le droit à l’avortement), Nicolas Bedos a poussé l’acte de contrition jusqu’à implorer pardon sur le site du magazine Elle, où il tient une chronique.
aantoineLe réveil a aussi été douloureux pour le chanteur Antoine, que l’on aurait cru bien équipé en optique mais qui a signé des deux mains un texte où il est affirmé noir sur blanc que « chacun a le droit de vendre ses charmes et même d’aimer ça ».
Les autres signataires n’ont pas eu ce genre de remords. A l’heure qu’il est, ils doivent savourer l’effet produit, persuadés d’incarner « l’hétéro de base » (tu parles !) et de participer à une croisade héroïque contre le « sexuellement correct ». « Alors, pourquoi t’as dit oui, connard ? » Tels furent les termes, dixit Nicolas Bedos, utilisés par ses « vrai(e)s ami(e)s » lorsqu’ils ont appris qu’il figurait sur la liste des 343. Très bonne question.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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