Maïs TC1507 – OGM : l’Europe doit arrêter de tourner en rond

Le Monde 13/11/2013

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En proposant aux Etats membres de l’Union européenne (UE), le 6 novembre, d’autoriser la culture du maïs transgénique TC1507 du groupe américain Pioneer, la Commission de Bruxelles et son président, José Manuel Barroso, ont jeté un joli pavé dans la mare. Car ce qui est en jeu n’est pas tant le sort de ce maïs secrétant un insecticide et tolérant à certains herbicides que la réforme du processus européen d’autorisation des organismes génétiquement modifiés (OGM), depuis plusieurs années dans l’impasse.
La Commission s’est saisie d’un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour mettre les Etats membres face à leurs responsabilités. La haute juridiction a exigé en effet, par une décision prise le 26 septembre, que Bruxelles traite la demande d’autorisation déposée par Pioneer en 2001 pour le TC1507, demande restée au point mort depuis 2009. Bruxelles menace donc aujourd’hui les Etats membres d’autoriser la culture de nouveaux OGM – à commencer par le maïs de Pioneer – s’ils ne mettent pas fin au blocage politique qui empêche la révision de la directive de 2001 définissant le processus d’autorisation.
Seuls deux OGM sont actuellement autorisés à la mise en culture dans l’UE : la pomme de terre Amflora, dont BASF a arrêté le développement en 2012, et le maïs MON810 de Monsanto, dont la culture représente 1,35 % des surfaces consacrées à cette céréale dans l’Union. L’Espagne en est le principal producteur, loin devant le Portugal et la République tchèque.
Le moins que l’on puisse dire est que le  » timing  » choisi par la Commission pour relancer le débat, à six mois des élections européennes, en a fait bondir certains, et pas seulement parmi les écologistes.  » Nous sommes surpris autant par la méthode que par le calendrier, fait-on savoir au ministère français de l’agriculture. Cela donne l’impression que la Commission veut solder certains dossiers avant les élections. « 
La France fait partie, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais pour des raisons bien différentes de ceux-ci, des pays qui ont bloqué le processus de révision. Elle est pourtant bien placée pour savoir que le système actuel d’autorisation est totalement grippé. A deux reprises, en septembre 2007 puis en mars 2012, elle a pris des arrêtés d’interdiction de la culture du MON810. Par deux fois, ceux-ci ont été annulés par le Conseil d’Etat, qui s’est appuyé pour cela sur la jurisprudence européenne.
Consultée au sujet de la première clause de sauvegarde française, la CJUE avait rappelé, en 2011, que pour que celle-ci soit valable il aurait fallu que soit établie,  » outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement « . Ce qu’aucun travail scientifique n’a jusqu’à présent démontré.
 » Un système législatif absurde « 
Quelles sont les intentions françaises, alors que François Hollande s’était engagé, en 2012, à maintenir le moratoire sur la culture d’OGM ? L’hypothèse la plus probable est que le gouvernement prenne un nouvel arrêté d’interdiction du MON810 – et du TC1507 si celui-ci est autorisé d’ici là – avant le printemps 2014 et les prochains semis. Avec la quasi-certitude de se voir une nouvelle fois déjugé par le Conseil d’Etat.
La mésentente entre la Commission, les Etats membres et le Parlement européen sur les OGM a conduit à une quasi-paralysie des institutions.  » On est dans un système législatif absurde, où il n’y a jamais de majorité « , estime l’eurodéputée Corinne Lepage. Il faudrait une majorité qualifiée (de quinze Etats représentant au moins 62 % de la population de l’UE) au Conseil européen de l’environnement du 13 décembre pour empêcher l’autorisation du maïs TC1507, ce qui est peu probable. Mais en cas d’autorisation, les Etats qui décideront de ne pas obtempérer sont à peu près certains d’échapper à toute sanction… faute de la même majorité qualifiée.
Le projet de révision introduit en 2010 par la Commission avait pour but de débloquer ce système d’autorisation en donnant aux Etats membres la liberté d’interdire unilatéralement la culture d’OGM sur leur territoire, sans avoir à appuyer leur décision sur d’introuvables arguments scientifiques. Il a été combattu par ceux qui estimaient qu’il ouvrait en grand la porte de l’UE à la culture de plantes transgéniques, tout en plaçant les Etats ayant opté pour l’interdiction devant un risque élevé de poursuites de la part de l’Organisation mondiale du commerce.
Largement remanié par le Parlement européen, le projet y a été adopté à une large majorité en juillet 2011. Depuis… plus rien. Les discussions pourraient-elles reprendre au conseil du 13 décembre ?  » Il faudrait que la Commission nous explique sa stratégie, se plaint-on au ministère français de l’agriculture. On ne sait même pas sur quelles bases elle voudrait discuter. « 
A Bruxelles, on n’est pas plus tendre avec la France, accusée de parler fort mais de ne pas avoir une attitude très constructive. De fait, on attend de sa part, en tant que leader – avec l’Autriche – de l’opposition européenne aux OGM, des propositions claires. La Commission n’a pas dévoilé ses intentions. Si chaque acteur attend des autres qu’ils fassent le premier pas, l’imbroglio politique et juridique autour des OGM pourrait durer encore quelques années.
par Gilles van Kote Service Planète  vankote@lemonde.fr

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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