Rompre avec les politiques austéritaires qui laminent les conditions de vie nécessite de s’affranchir des règles européennes.

Siné Mensuel N°25 – novembre 2013 – Pierre Concialdi, membre des Économistes atterrés
Haro sur l’euro ? Rompre avec les politiques austéritaires qui laminent les conditions de vie des peuples nécessite de s’affranchir des règles européennes. La sortie de l’euro en est devenue le symbole, mais ce n’est certainement pas la première chose à faire.
100_5830On sort de l’euro et tout repart comme en quarante ? Pas si simple ! L’euro est surtout le révélateur de problèmes qui ne peuvent être résolus que par un changement radical de politique.
Premier problème : avec la monnaie unique, on a fait le pari d’une certaine convergence entre pays dans l’évolution des prix, des salaires et de la productivité. Le pari est raté. Entre 2000 et 2012, l’inflation a augmenté d’environ 30% dans la zone euro, mais beaucoup moins en Allemagne et beaucoup plus dans d’autres pays. Comme la dévaluation ne permet plus de compenser ces écarts, la compétitivité des pays à forte inflation s’est dégradée et ces pays ont accumulé des déficits D’autant que les gouvernements allemands ont engagé une politique de déflation salariale sans précédent depuis dix ans. Ce qui a encore davantage creusé les déséquilibres avec tous les pays de la zone euro.
eurozone2
Deuxième problème : l’emprise des marchés financiers. Depuis la création de l’euro, les marchés ont financé tous les états de l’UE au même taux. Ce qui à 1) nourri la bulle financière spéculative (notamment en Espagne et en Irlande) et 2) permis aux pays déficitaires de se financer par l’endettement Depuis la crise financière, les mêmes marchés ont retourné leur veste pour spéculer sur la dette des pays les plus en difficulté dont les taux d’intérêt ont flambé Résultat : des peuples étranglés sous le poids d’une dette devenue ingérable.
Troisième problème : le carcan des traités européens qui interdit de prendre les mesures qui pourraient résorber ces déséquilibres. Impossible de dévaluer pour retrouver de la compétitivité Interdiction à la BCE de financer le déséquilibre des États membres, etc. Résultat : le seul ajustement possible consiste à faire passer les salariés  à la caisse en baissant les salaires et en démantelant la protection sociale. C’est la « thérapie de choc » que l’on veut  imposer aux salariés européens.
La sortie de l’euro n ‘est pas une réponse à cette impasse. Sortir de l’euro c’est s’enfermer, à coup de dévaluations successives, dans la logique de la compétitivité, celle de la concurrence à outrance qui fonde les traités européens. Ce serait aussi donner une nouvelle arme aux marchés financiers qui pourraient spéculer sur les monnaies nationales. La sortie de l’euro, ce n’est pas non plus la garantie d’un monde meilleur. Plus d’un tiers des pays de l’Union européenne ne sont pas dans la zone euro sans pour autant s’en porter mieux. Euro ou pas, c’est l’austérité pour tous les peuples  européens. Bref, le problème n’est pas l’euro mais les politiques menées.
1312-presseeuropeS’il faut rompre avec les règles européennes, autant le faire d’une façon plus décisive et directe. principale mesure : refuser, tout simplement, de payer la dette. Il s’agit d’abord de décréter un moratoire, puis de procéder à un audit afin d’identifier les dettes illégitimes que les salariés et les citoyens n’ont aucune raison de payer. Cette mesure permettrait – au moins provisoirement – de mettre les marchés financiers hors jeu et d’imposer aux autres pays une négociation politique. parallèlement, il faut aussi taxer le capital qui a largement bénéficié de la spéculation tout en prenant des mesures de contrôle (des changes, des prix et des revenus).
L’issue de ce bras de fer est bien sûr incertaine. Mais il présenterait l’avantage de poser les questions politiques de fond et de mettre face à face les citoyens européens et leurs dirigeants. Sans donner l’illusion qu’une sortie de l’euro pourrait – comme par un coup de baguette magique – redonner aux peuples une maîtrise qu’ils ont perdue et qu’il faut désormais reconquérir.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Economie, Europe, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.