Pape François – Le rouge et le blanc / Le pape révolté ( Florilège ) : Rhétorique marxiste et contre la finance

édito EXTRAIT
L’homme de gauche de l’année s’appelle François. On eût aimé, bien sûr, que ce fût François Hollande. Mais les difficultés du gouvernement sont telles en cette année de réformes malaisées et de lent redressement des comptes qu’on réservera cette distinction à des temps meilleurs.
Non ! l’homme de gauche de l’année est un personnage inattendu, surgi d’un coup sur le devant de la scène et dont les rapports avec le courant socialiste sont sinon inexistants du moins ténus : c’est le pape François.

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 Ainsi sur le site  Slate, Henri Tincq, un des meilleurs connaisseurs de la chose catholique, donne un florilège, éclairant des propos pontificaux.
Le libéralisme est un système « qui nie la primauté de l’être  humain », « une économie de l’exclusion », « une économie qui tue ». Le pape est révolté par « le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue meure de froid ne soit pas une nouvelle, alors que la baisse de deux points en Bourse en soit une. Voilà l’exclusion » De grandes masses de population, ajoute-t-il, « se voient exclues, marginalisées, en raison du jeu de compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le faible ».
La mondialisation libérale a créé une « culture du déchet » : « l’être humain est un bien de consommation qu’on peut utiliser et ensuite jeter. » Le travailleur n’est pas seulement « exploité », voué aux « bas-fond et à la périphérie de l’existence », mais réduit à l’état de « déchet ». Il fait partie des « restes ». On voit à Rome un homme en blanc. On entend les propos d’un rouge.
Angoissé, fébrile, « le Figaro » a tenté de rassurer en affirmant que le souverain pontife ne s’était pas prononcé pour l’abolition immédiate du système capitaliste et qu’il se démarquait des thèses les plus révolutionnaires (Ouf !)
Rhétorique marxiste
Beaucoup, à droite se sont très logiquement étranglés à la lecture de cette condamnation de leurs propres thèses. Aux États-Unis, les polémistes conservateurs, tel Rush Limbaugh  ou les théoriciens du Tea Party, cette faction réactionnaire du parti Republicain, ont accusé le pape François d’avoir versé dans la pire rhétorique marxiste.
Angoissé, fébrile, « le Figaro » a tenté de rassurer en affirmant que le souverain pontife ne s’était pas prononcé pour l’abolition immédiate du système capitaliste et qu’il se démarquait des thèses les plus révolutionnaires (Ouf !)  Ce qui est exact : ce sont les excès du système qu’il rejette et non son principe. Mais cela le différencie de l’apologie sans nuances du libéralisme qu’on lit à longueur de colonnes dans l’organe central de la classe dirigeante française.
Certains ont dénié au pape toute compétence économique en rappelant que les spécialistes de la discipline faisaient l’éloge de la finance dérégulée et des mécanismes du marché. Ce qui est cette fois tout à fait faux. Le pape est en désaccord avec les économistes libéraux. En revanche son discours correspond presque point par point à celui des théoriciens néo-keynésiens et des réformistes démocrates ou socialistes des deux côtés de l’Atlantique. Le pape François ne parle pas comme Milton Friedman ou Jean-Claude Trichet, certes. Il parle comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman.
Contre la FINANCE
On dira que l’église professe depuis toujours une « doctrine sociale » à mi-chemin entre capitalisme et socialisme, que l’enseignement du Christ, après tout, s’il n’est pas révolutionnaire au ses socialiste du terme, donne la priorité aux pauvres, prêche la solidarité, la justice, la compassion envers les réprouvés et les exclus. Jean-Paul II dénonçait aussi lui aussi les duretés de l’’économie et demandait une économie moins inégalitaires et plus douce aux moins favorisés.
Mais, là encore on se trompe : sur la même base doctrinale, le pape François a érigé un discours nouveau, d’une extrême virulence, où les philippiques contre la finance et le pouvoir de l’argent occupent une place inédite. D’où l’importance de textes qu’on pourrait réciter dans les congrès de la gauche européenne pour lui rappeler ses devoirs.
Il esquisse même une convergence qui peut à terme jouer un rôle politique. La gauche en France, comme dans le reste de l’Europe, a jeté depuis longtemps aux orties ses oripeaux marxistes ou révolutionnaires. Elle aussi admet le principe du marché et ne souhaite en rien revenir aux errements de la rupture violente avec le système. Elle souhaite, quand elle est conséquente avec elle-même moraliser le marché, protéger les plus démunis, lutter contre les inégalités excessives, en un mot mettre « l’humain au cœur de la société ».
 Or ce sont les mots exacts du pape François. S’il a une influence que sa propre Église, on peut trouver là les bases d’une relation nouvelle entre la gauche et l’Église, récemment marquée par des désaccords profonds sue les questions de société. Catholiques et socialistes ont des divergences. Ils ont un adversaire commun : le capitalisme sauvage. On comprend le désarroi du « Figaro » : en rappelant ses principes sociaux, le pape propose d’appliquer ici et maintenant les valeurs de l’Évangile. Ou va-t-on ?
Edito de Laurent Joffrin  Nouvel Obs n° 2563 19/122013 au 01/01/2014

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 Première messe de Noël pour le pape François
Le Monde 25/12/2013
Lors de sa première messe de minuit, célébrée hier au Vatican, le pape François a assuré que les « marginalisés » sont les premiers à comprendre le message chrétien, exhortant les catholiques à « ne pas avoir peur » de croire.
L’air grave, le pontife argentin, arrivé dans la basilique Saint-Pierre au milieu de 30 cardinaux et 40 évêques, a célébré une messe de moins de deux heures, très classique, avec de nombreux chants en latin, afin d’exprimer l’universalité de l’Eglise. Elle s’est terminée bien avant minuit.
Une prière pour les persécutés au nom de leur religion a été prononcée en chinois, dans un contexte où au moins 9 000 chrétiens meurent en raison de leur foi chaque année dans le monde.
Ce midi, le pape François délivrera le traditionnel message « à la Ville et au monde ». Une première bénédiction « Urbi et orbi » de Noël très attendue, alors que la crise mondiale produit des exclus et que les chrétiens paient un prix élevé dans les violences au Moyen-Orient et en Afrique.
A Bethléem, le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, la plus haute autorité catholique romaine en Terre sainte, a appelé à une « solution juste et équitable » au conflit israélo-palestinien.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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