L’empoisonnement industriel est aujourd’hui parfaitement légal

Charlie Hebdo – 24 décembre 2013 – Fabrice Nicolino
Encore une histoire de truands de la bidoche. Mais derrière le cheval sous piquouse, le véritable scandale des scandales : les centaines de molécules toxiques utilisées dans l’élevage industriel. Légalement Sous les applaudissements de l’industrie.
Les affaires reprennent, le scandale recommence sans fin, les titres de journaux se copient et se recopient : il y a donc des vilains qui vendent de la viande de cheval en truandant. Inutile même de revenir ici sur les péripéties rigolotes de la semaine passée. Juste une palme au labo Sanofi pour cette déclaration : « L’un de ces marchands a trahi sa parole ! » Oui, le labo vendait des canassons farcis de chimie à des « marchands » qui s’étaient engagés à ne pas transformer la bidoche en cervelas. C’est triste à dire, mais le monde est plein de filous. les-industriels-sont-formels
Il y a certes une autre manière de parler de tout cela, qu’on ne trouve pas sous le sabot d’un cheval La preuve instantanée par une revue scientifique réputée, le Journal of Agricultural and Food Chemistry. Dans son édition du 6 avril 2011, cette revue publie une étude ravageuse. Ayant analysé des échantillons de vache, de chèvre et de personne humaine, les quatre auteurs y ont retrouvé des résidus d’une vingtaine de substances pharmaceutiques actives. L’assortiment est presque parfait : des antibactériens, des antiseptiques, des anti-inflammatoires, des hormones, des bêta-bloquants, des antiépileptiques, des régulateurs de graisse. Dont certains sont redoutables pour la santé.
to combat obesity in usaCertes, les doses ont très faibles, mais elles existent, et, en outre, comme on va voir, ça peut avoir de sacré effets. Avant cela, une deuxième étude, publiée elle le 15 juin dans la revue Food Chemistry. Ça ne s’arrange pas vraiment, car les chercheurs, utilisant une nouvelle méthode, ont découvert dans des petits pots destinés à l’alimentation des bébés des restes – infinitésimaux – d’antibiotiques et d’antiparasitaires utilisés dans la conduite de l’élevage industriel. Ce qui change le tableau : on ne parle plus là de truandage, mais de marche quotidienne des affaires. Les animaux sont matraqués de produits souvent mutagènes, cancérigènes, reprotoxiques, qui ne disparaissent pas par enchantement. Fatalement, une petite fraction des composés chimiques passe dans les matières animales consommées par les humains. Est-ce grave ?
Ce qui est certain, c’est que la liste des produits vétérinaires légaux est longue comme le bras. Pas de quartiers dans les hangars et les porcheries ! Il faut buter dans l’œuf tous les parasites possibles, injecter des neuroleptiques aux animaux énervés, soigner aux antibiotiques le moindre soupçon de prolifération bactérienne. Or, dans le même temps, la toxicologie de papa est en train de disparaître, faisant claquer des dents tous les anciens encore en place, qui ne veulent rien entendre.
En deux mots, Paracelse est mort, mais il ne faut surtout pas le dire aux chimistes officiels, Paracelse est un type passablement génial mort en 1541. Alchimiste, chirurgien, précurseur de l’homéopathie et même de la psychothérapie, il est l’auteur d’une phrase que des générations n’ont cessé d répéter depuis : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison. » En résumé : la dose fait le poison.
La chimie, voilà l’ennemie !
On a cru cela pendant quatre siècles, et ce n’est d’ailleurs pas faux en tout. Plus on se saoule, par exemple, plus le foie morfle. Mais quantité d’études, depuis vingt ans, remettent en cause ce qui est devenu un dogme. Les perturbateurs endocriniens, pour ne prendre que cet exemple désormais bien documenté, sont des molécules qui imitent à la perfection les hormones naturelles et, en se faisant passer pour elles, déséquilibrent les fonctions essentielles, dont celle de la reproduction.
Et c’est dramatique, car avec eux, il n’y a pas d’effet de seuil. Et d’un, la première molécule peut déjà avoir un effet délétère. Et de deux, abattant d’un coup la tradition paracelsienne, les perturbateurs peuvent être plus actifs à faible qu’à haute dose. Vous avez bien lu : moins peut faire plus.
Tertio, on se fout complètement des scandales à répétition, qui ne mènent qu’à la désinformation générale et à l’apathie. Le problème, c’est la chimie et ses milliers de molécules toxiques. La folie, c’est l’élevage industriel qui en fait des orgies.

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