Chine – Après avoir arrosé l’Afrique de milliards de dollars, les Chinois débarquent en Europe de l’Est avec leurs capitaux

Pékin serait prêt à ouvrir une ligne de crédit de 10 milliards d’euros.

La jeune génération de l’Est vit actuellement à l’heure du désenchantement face à une Vieille Europe qui semble prêter l’oreille aux chantres de la xénophobie.
La Chine à l’offensive en Europe centrale
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Il y a deux mille cinq cents ans, le général Sun Zi, auteur de L’Art de la guerre, définissait en quelques mots la philosophie chinoise du combat :  » L’art de la guerre, c’est soumettre l’ennemi sans combat. «  Le premier ministre Li Keqiang semble avoir retenu la leçon. A la tête du gouvernement depuis mars 2013, il s’est rendu à Bucarest en novembre pour participer au 3e sommet économique Chine-Europe centrale et orientale. Il était accompagné de quelque 200 chefs de grandes entreprises.  » La Roumanie s’ouvre à l’Est, la Chine avance vers l’Ouest, nous avons des intérêts communs « , a lancé Li Keqiang devant le Parlement roumain.
Après avoir arrosé l’Afrique de milliards de dollars, les Chinois débarquent en Europe de l’Est, pactole en main. Seize premiers ministres des pays de l’ancien bloc communiste – Pologne, Hongrie, République tchèque, les pays balkaniques et baltes – sont arrivés à Bucarest afin de rencontrer les nouveaux chevaliers économiques. Le déplacement valait la peine, le premier ministre chinois ayant annoncé que Pékin était prêt à ouvrir une ligne de crédit de 10 milliards d’euros à l’Europe de l’Est. La Roumanie, qui a connu une croissance économique de 2,7 % en 2013, espère en attirer plus de la moitié.  » Les fonds européens ne peuvent pas financer tous les projets d’infrastructures dont nous avons besoin, a déclaré la ministre roumaine des transports, Ramona Manescu. Nous devons trouver des sources de financement alternatives. « 
Les Roumains ont mis sur la table des négociations des projets concernant l’énergie nucléaire, l’informatique, l’agriculture et un train à grande vitesse qui devrait traverser le pays. Le groupe chinois China General Nuclear Power Corporation (CGN) veut investir 4 milliards d’euros dans deux nouveaux réacteurs nucléaires, en collaboration avec le canadien SNC-Lavalin. Un projet que GDF Suez et le tchèque CEZ ont abandonné en 2011. Le groupe Huawei, qui a déjà embauché 600 informaticiens roumains, va recruter jusqu’à 1 000 employés dans son antenne roumaine d’ici à la fin de l’année.
Enfin, selon le ministre de l’agriculture, Daniel Constantin, 500 000 vaches et 5 millions de moutons seront exportés en Chine. Ce qui tombe à pic, puisque le géant américain de la viande Smithfield Foods – qui détient une grande ferme à Timisoara, ville située dans l’ouest de la Roumanie – a été acheté en mai 2013 par la compagnie chinoise Shuanghui International.
Cependant, l’offensive chinoise en Europe centrale et orientale fait partie d’une stratégie plus ample de conquête des marchés de l’Union européenne. Bruxelles avait ainsi demandé aux 28 pays membres de l’UE de ne pas signer avec la Chine des accords bilatéraux qui transgressent les limites définies par Bruxelles. La Commission européenne est en train de négocier un accord avec Pékin concernant des investissements, mais Bruxelles semble avoir des difficultés à faire comprendre aux Chinois qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Un terrain propice pour investir
Pékin entend bien profiter des faiblesses de l’Union pour avancer à l’Ouest. Le sommet organisé à Bucarest a tout d’une opération divide et impera appliquée par la Chine à une Europe affaiblie par la crise économique et financière. Dans une Europe à deux vitesses, où les pays de l’ancien bloc communiste font figure de parents pauvres face à la richissime Europe de l’Ouest, les Chinois ont trouvé un terrain propice pour investir leurs milliards et promettre un avenir meilleur.  » La Roumanie a besoin d’infrastructures modernes, et nous avons en Chine des technologies de grande qualité à bas prix, a déclaré Li Keqiang à Bucarest. Il vaut mieux choisir la formule “fabriqué en Chine” qui est connue sur toute la planète. « 
Mais, au-delà des besoins d’investissements, l’Europe centrale et orientale se laisse séduire par le dragon chinois pour des raisons qui échappent aussi bien à Paris ou Londres qu’à Bruxelles. L’Europe de l’Ouest, qui a servi de modèle démocratique et économique à la Nouvelle Europe, a perdu de son éclat. L’absence d’une politique commune sur les questions stratégiques comme l’énergie et la défense, la faible capacité à gérer la crise financière et les pulsions xénophobes qui contaminent plusieurs pays occidentaux l’ont désenchantée.
A Londres, le premier ministre, David Cameron, a appelé à restreindre la libre circulation au sein de l’Union européenne afin de lutter contre le  » tourisme social « . A Paris,  » roumain  » est devenu synonyme de voleur en raison de certains discours politiques.
A Paris, à Londres et ailleurs en Europe de l’Ouest, on oublie que les jeunes d’Europe centrale et orientale connectés à Internet et aux réseaux sociaux considèrent qu’ils ont le même droit à la prospérité que les autres. La jeune génération de l’Est vit actuellement à l’heure du désenchantement face à une Vieille Europe qui semble prêter l’oreille aux chantres de la xénophobie. La Chine l’a compris, et Li Keqiang compte soumettre son ennemi sans combat.  » Pour avancer, nous avons besoin d’un grand vaisseau et d’un bon vent, a-t-il déclaré à Bucarest. Nous avons le vaisseau et le vent, il ne reste plus qu’à fendre les vagues.  » Le premier ministre chinois a le goût de la métaphore. Et le sens des affaires.
par Mirel Bran bran@lemonde.fr  Correspondant à Bucarest

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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