Michaël Gregorio, – Monsieur 100 000 voix

 Le drame paradoxal des imitateurs se résume à cette simple mais abyssale question : où est leur vraie voix ?

renaud MachartMercredi 1er janvier après-midi, tandis que j’écrivais ma précédente chronique à propos du concert viennois pour le Nouvel An, mon téléviseur était branché sur W9. J’ai entendu, de la pièce où je me trouvais, une succession de chanteurs dont j’ai reconnu certains (Michel Sardou, Johnny Hallyday, William Sheller, etc.).
Quittant mon ordinateur, je suis allé regarder ce que j’avais pris pour un  » medley  » de fin d’année, et j’ai eu la berlue : ces voix sortaient toutes du même gosier, celui de l’imitateur Michaël Gregorio, filmé lors d’une représentation de son spectacle Michaël Gregorio pirate les chanteurs.
2732563054_small_1Le jeune homme bouclé, aux allures de Puck sorti du Songe d’une nuit d’été, est mieux qu’un imitateur (les Anglo-Saxons disent, plus joliment, impersonator) : c’est, et je pèse mes mots, un véritable génie du travestissement vocal.
On trouve sur YouTube une vidéo à hurler de rire : Michaël Gregorio fait mine de travailler la chanson Vanina, de Dave. Le chanteur hollandais s’approche, et les deux se livrent à une sorte de concours où Gregorio finit par ressembler vocalement davantage à Dave que Dave à lui-même.
Ces mirages auriculaires sont phénoménaux, d’autant que Gregorio imite aussi le ténor Luciano Pavarotti, Jacques Brel, Bob Dylan, la variété française du moment (Julien Doré, Christophe Maé, Christophe Willem, etc.). Et pas seulement des voix masculines : Mylène Farmer et Edith Piaf sont aussi dans ses cordes. Sans oublier son imitation stridente et bluffante de… guitare électrique.
Quand Gregorio chante en voix de fausset, son timbre se rapproche beaucoup de celui du contre-ténor Philippe Jaroussky, qu’il imiterait, j’en suis certain, à merveille, à moins que cela ne soit déjà fait : mais la musique classique ne fait hélas pas recette dans les grandes salles populaires où Gregorio se produit désormais.
Comment tout cela est-il possible ? Certes, le micro et l’amplification aident grandement ces effets spéciaux sonores. Mais ce ne serait rien sans une voix souple, longue (du baryton au soprano), polychrome et riche en harmoniques. Le reste n’est qu’une affaire d’oreille – et de l’oreille, Gregorio en a assurément – et de musicalité – dont il ne manque pas non plus.
Une chose est certaine : avec un tel appareillage vocal, tout est à la portée du jeune imitateur, dont la carrière se développe notablement depuis 2005 sous l’aile de son producteur, l’omniscient Laurent Ruquier, qui une fois de plus ne s’est pas trompé.
Le premier spectacle de Gregorio s’appelait J’aurais voulu être chanteur. Un titre qui résonne avec une sorte de glaçante tristesse. Car, en effet, le drame paradoxal des imitateurs se résume à cette simple mais abyssale question : où est leur vraie voix ?
C’EST À VOIR | Chronique de Renaud Machart 04/01/2014 © Le Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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