Kiev: violents affrontements entre pro-UE et police – L’édito d’Yves Harté : « La grande nuit de Kiev »

Reste aujourd’hui, dans le jour qui se lève, la seule volonté d’un peuple dans la rue face à la brutalité d’un pouvoir en place. Mais qui se lèvera en Occident pour s’intéresser, au-delà d’une sollicitude de façade, aux destinées de ces Européens si loin de notre orbite ?

Anti government protests in Ukraine

Les violents affrontements entre manifestants pro-européens et forces de l’ordre ont fait cinq morts et au moins 300 blessés hier à Kiev, après deux mois d’une confrontation qui tourne à la guérilla urbaine.
Les leaders de l’opposition, devant des dizaines de milliers de personnes réunies dans la soirée dans le centre de la capitale, ont menacé d’une « offensive » jeudi faute de concessions du président Vitkor Ianoukovitch. Arseni Iatseniouk, proche de l’ex-première ministre emprisonnée Ioulia Timochenko, a donné de son côté « vingt-quatre heures » au pouvoir pour éviter un « bain de sang ».
Viktor Ianoukovitch avait auparavant reçu pendant trois heures les leaders de l’opposition, sans qu’aucune annonce n’ait été faite à l’issue de cette réunion qui visait à faire cesser les violences meurtrières. Selon le site Ukrainska Pravda, quatre des cinq personnes tuées hier avaient des blessures par balle. Depuis hier, les forces de l’ordre, dont les unités antiémeute Berkout, casquées et équipées de boucliers, ont lancé plusieurs assauts contre les barricades dressées dans la rue Grouchevski où se trouvent le siège du gouvernement et le Parlement.

Anti government protests in Ukraine

 Les heurts se sont poursuivis hier soir. Les manifestants ont jeté des cocktails Molotov et des pierres sur les forces antiémeute, dont ils étaient séparés par une barricade de pneus en flammes. Les forces de l’ordre ont riposté par des tirs de balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes. L’Union européenne a averti qu’elle allait « étudier de possibles actions et les conséquences » pour ses relations avec l’Ukraine, tandis que Washington a annoncé de premières sanctions
Le Monde 24/01/204

Ukraine Protest

Sud-Ouest 23/001/2014

L’édito d’Yves Harté : « La grande nuit de Kiev »

La seule chose dont on pouvait s’étonner, hier soir, à Kiev, est que cette scène n’ait pas déjà eu lieu. Que des affrontements meurtriers n’aient pas déjà débuté. Que le triste décompte de morts ne soit pas déjà entamé sur cette place Maïdan que les manifestants occupent depuis deux mois. Mais, depuis le 16 janvier, la situation est allée en empirant. De nouvelles lois ont été votées, toute une quincaillerie répressive imposée par le président Ianoukovitch. À ces lois ont répondu une manifestation violente et des combats de rue. Les troupes antiémeute, au lieu de se retirer comme elles l’avaient fait en décembre dernier, sont restées sur place telles de sombres tortues romaines. Le premier mort par balle est tombé. Au crépuscule de cette journée, on en comptait cinq. L’Ukraine est entrée dans la nuit sans savoir ce qu’il adviendra.

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Or ce n’est pas une simple nuit de neige à Kiev, c’est un départ irréversible. Des deux côtés, les positions se sont durcies. Viktor Ianoukovitch, conforté par sa visite russe, est assuré du soutien de Poutine après qu’il lui a renouvelé son allégeance et assuré qu’il s’éloignerait de l’Europe. Dans le camp des protestataires, des ultras se sont éloignés du chef de file des débuts et même du colossal boxeur Vitali Klitschko, à qui on reprochait une patience politique confondue avec une pusillanimité hésitante.
Mais comment pourrait-il en être autrement dans ce pays, cette marche des empires à qui la Russie tient trop pour des raisons historiques mais aussi symboliques ? Car la vaste nation se souvient qu’elle est autant née à Kiev, dans des raids de Cosaques, qu’à Moscou, où sa puissance s’est installée bien plus tard. Et comment les opposants ne sauraient-ils se prévaloir, eux, de cette ancienne nostalgie qui a toujours poussé leur pays à regarder vers l’Ouest quand l’Empire austro-hongrois ou les coalitions prussiennes arrivaient jusqu’à leurs frontières ? C’est le destin de ces peuples et de cette terre de jonction, satellite écartelé par des planètes janusiennes.
Reste aujourd’hui, dans le jour qui se lève, la seule volonté d’un peuple dans la rue face à la brutalité d’un pouvoir en place. Mais qui se lèvera en Occident pour s’intéresser, au-delà d’une sollicitude de façade, aux destinées de ces Européens si loin de notre orbite ?

Pro-European integration protesters clash with Ukranian riot police during a rally near government administration buildings in Kiev

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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