Montebourg veut se shooter au gaz de schiste « écolo »

Le Canard Enchaîné – 29 janvier 2014 – Jean-Michel Thénard
Le ministre du Redressement productif veut produire un rapport, encore secret, qui fait la promotion d’une technologie « propre ». Mais pas de vagues ni d’explosions avant les municipales, pour ne pas enflammer les Verts.
Arnaud Montebourg détient une bombe dans son bureau. Un rapport explosif qu’il garde au coffre et  ne veut pas – pas encore… – rendre public. Soucieux de ne pas gêner le Premier ministre ni le Président et d’éviter de faire imploser la majorité en fâchant les Verts avant les municipales.
Un proche du redresseur productif en chef le jure : Montebourg a trouvé  le Graal. Autrement dit, une technique « propre » pour extraire le gaz de schiste. Les experts qu’il a fait travailler – géologues, économistes publics et privé – depuis un an sur le sujet ont conclu leurs travaux en décembre : ils se disent certains de pouvoir extraire l’hydrocarbure avec une fragmentation du sous-sol écologique ! En remplaçant l’eau par un fluide : le fluoropropane. Ce liquide non inflammable est déjà utilisé – ce n’est pas un gag – comme propulseur dans les inhalateurs des asthmatiques Le gaz de schiste, avec Montebourg, c’est simple comme un éternuement ! 100_5928
Tout feu tout flamme
Problème, les Verts l’ont dans le nez, et il n’est pas sûr qu’ils se satisfassent de cette technique supposée indolore, alternative à la fracture hydraulique, interdite en juillet 2011 par le gouvernement Fillon. Une alternative qu’appelait de ses vœux François Hollande, le 13 novembre 2012, lors de sa première conférence de presse. « Tant qu’il n’y a pas de nouvelle technique, j’ai dit que, durant mon quinquennat, il n’y aurait pas d’autorisation de permis d’exploitation des gaz de schiste. » Ce qui, traduit en bon français, signifiait que, le jour où il y aurait une nouvelle technique, rien ne l’empêcherait d’autoriser le recherche. Hollande précisait d’ailleurs que, ce jour là, il « prendra[it] ses responsabilités…« 
GDS-euro-04416Le 14 juillet, il est allé plus loin, excluant toute exploration pendant son quinquennat, pour complaire à l’écologiste Cécile Duflot. Mais, après son virage libéral du début d’année et au vu des résultats des municipales, ne pourrait-il pas de nouveau changer d’avis si le devenir de la croissance l’exigeait ? Se fondant sur le potentiel d’exploitation dans le Bassin parisien et dans le Sud-est de la France, les experts de Montebourg chiffreraient à 300 milliards d’euros sur trente ans les recettes prévisibles avec,  en prime, 250 000 emplois. Chiffres euphorisants, garantis plus fiables que ceux, exagérément optimistes, de l’Agence internationale de l’énergie. « Le potentiel économique est énorme. Il faut lancer une expérimentation sous contrôle public« , s’emballe un conseiller du ministre.
Montebourg s’emploie donc à convaincre le Président de passer outre l’oukase des Verts. Il a remis le sujet sur la table, la semaine dernière, après six mois de silence, en affirmant sur Europe 1 vouloir « avancer sur le recherche » de techniques « propres« . Il s’est aussitôt mangé une verte réplique de Philippe Martin, son collègue de l’Environnement : « Je profite de l’occasion pour dire à ceux qui, sempiternellement, reviennent à la charge pour essayer de me convaincre qu’il conviendrait d’extraire encore les hydrocarbures fossiles, enserrés dans de l’argile très dure, avec des moyens impactants pour l’environnement, que, non, ça n’est pas la bonne direction. » Mais Montebourg est aidé dans son offensive par la Commission de Bruxelles qui, le 22 janvier, a préconisé l’exploitation de gaz de schiste en Europe à condition de respecter des « principes communs », sanitaires et environnementaux : « Les États devront s’assurer que les installations pour exploiter le gaz de schiste soient construites de manière à éviter des fuites à la surface et des déversements dans le sol, l’eau ou l’air.« 
L’eau dans le gaz
La fragmentation par le propane garantirait cette exploitation « propre« , sans eau et sans produits chimiques, donc sans conséquences sur les nappes phréatiques. Elle est déjà utilisée aux États-Unis et au Canada, et était évoquée dans le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) présenté en novembre par le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir et le député PS Christian Bataille, deux très chauds partisans du gaz de schiste. Problème, expliquaient les auteurs, elle implique de manipuler de grndes quantités de propane, un gaz coûteux et, surtout, hautement inflammable. Les experts de Montebourg prétendent que le processus aujourd’hui s’effectuerait en toute sécurité grâce au fluopropane, développé l’an dernier par la société américaine EcorpStim.
Hasard ? Total vient de s’allier avec la maison mère d’EcorpStim pour acquérir, le 13 janvier, via sa filiale Total UK, 40% des deux permis d’exploration et de production de gaz de schiste dans le bassin du Gainsborough Trough, dans l’est de l’Angleterre. Mais, comme rien n’est simple, la compagnie française affirme ne pas vouloir se convertir à la technique de la fracturation au propane – trop dangereuse, de son point de vue – et rester à la fracturation hydraulique, qu’elle maîtrise déjà. A Davos, Christophe de Margerie, le pédégé de Total, a dit miser sur des futures expérimentations britanniques pour convaincre Hollande de changer de position sur la fracturation hydraulique, qu’il juge tout à fait sûre pour l’environnement Il est bien le seul…
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Au lendemain des municipales, la France demeurera-t-elle e seul pays d’Europe, avec la Bulgarie, à continuer d’interdire l’exploitation du gaz de schiste ? Seule certitude : si Hollande change de pied, fracturation hydraulique ou pas, il y aura de l’eau dans le gaz avec les Verts, et le climat sera explosif.

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