Chronique-critique de Renaud Machart

 LE MONDE | 29.01.2014 |
C’est à voir – Tapis de son
J’ai regardé, autant que j’ai pu, le « Tapis rouge » de la 56e édition des Grammy Awards (qui récompensent des enregistrements musicaux sous l’égide de la National Academy of Recording Arts and Sciences), dimanche 26 janvier, à minuit sur E !.
Car j’ai assez vite lâché prise : comme pour les autres cérémonies de remise de prix qui se succèdent de janvier à mars à Los Angeles, les journalistes de la chaîne américaine se bornent à une question « artistique » d’une stupidité abyssale pour vite bifurquer sur ce qui les intéresse vraiment : la marque des vêtements et des bijoux (et, accessoirement, leur prix) que portent les artistes.
Et de passer les doigts des dames devant la « caméra manucure » puis d’inviter les mieux roulées à se positionner sur un plateau tournant qui permet aux objectifs multiples de la « glam cam » de les capter sous toutes les coutures. Le tout commenté par des interprètes bredouillants qui semblent comprendre aussi mal l’anglais qu’ils parlent le français.
Pour la cérémonie de remise des prix elle-même, il fallait attendre le petit matin, ou sa rediffusion « resserrée », lundi 27 janvier, sur D17. On entendit pas mal de choses affligeantes, dont une Madonna qui, décidément, n’arrive plus à chanter correctement en direct, et les Daft Punk, ce binôme au succès planétaire qui, en récoltant cinq récompenses, passe pour l’exemple irréfragable du génie musical français alors que Get Lucky ne me semble rien d’autre qu’un tube disco de Patrick Juvet à peine revu et corrigé.
Pendant que les vedettes américaines (Pharrell Williams, Stevie Wonder) entonnaient la scie des Daft Punk pour beach parties d’Ibiza, un rideau s’est levé et les deux musiciens sont apparus derrière un comptoir en train de biduler des machines dignes d’un vieil épisode de « Star Trek ».

Daft-Punk-apres-leur-razzia-aux-Grammy-Awards-vont-ils-etre-les-invites-d-honneur-des-Victoires-de-la-musique_portrait_w674

A vrai dire, ils m’ont donné l’impression qu’ils préparaient de la cuisine moléculaire dans un fourgon de streetfood new age, tous deux identiquement habillés dans un costume blanc façon André Courrèges 1967 avec leurs inamovibles et ridicules casques design.
Evidemment, les Grammy Awards récompensent aussi des enregistrements de musique classique, ce qu’il est difficile de savoir si on lit les recensions de l’événement dans la presse, sur les blogs Internet ou à la télévision.
Mais, ainsi que le rappelle justement Guillaume Decalf sur le site Internet de la chaîne radiophonique France Musique (au signet « actu musicale »), « le lauréat le plus récompensé de l’histoire des Grammy Awards n’est autre que… le chef d’orchestre Georg Solti (31 récompenses) ! A la quatrième position, après Quincy Jones et Alison Krauss, on trouve le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez (25 récompenses) ».
A bon entendeur (s’il en existe encore), salut !
Renaud Machart Journaliste au Monde

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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