Le Monde.fr | 06.02.2014 | Par Nathaniel Herzberg
Violette Jacquet-Silberstein, ancienne violoniste de l’orchestre des femmes du camp d’Auschwitz-Birkenau, est morte mardi 28 janvier, dans son lit, d’un arrêt cardiaque. Elle avait 88 ans.
Violette Jacquet-Silberstein (1925-2014), sept décennies de bonheur après Auschwitz
Elle aimait dire que la musique lui avait » sauvé la vie « . Qu’elle lui avait permis de traverser la nuit concentrationnaire et de jouir de près de sept décennies de bonheur inespéré. Le son de la radio, ou celui de la chaîne Mezzo, l’accompagnait continuellement, dans la chambre de l’Institution nationale des invalides qu’elle avait intégrée en 2009.
Née le 9 novembre 1925 à Petrosani, en Roumanie, Violette Silberstein a 3 ans lorsqu’elle arrive en France. Dans le petit appartement du Havre où la famille est installée, le père est tailleur, la fille joue du violon, et tout le monde dort dans le même lit. Une vie modeste mais heureuse. Entre musique classique et airs tziganes, Violette poursuit son apprentissage d’instrumentiste. Lorsqu’elle rechigne à cette tâche quotidienne, sa mère insiste : » Continue, on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait. «
A 14 ans, l’exode balaie tout. La guerre jette la famille sur les routes. La campagne d’abord, puis Paris… Les Silberstein atterrissent finalement à Lille, où un oncle les accueille. C’est là que, le 1er juillet 1943, dénoncée comme juive, la famille est arrêtée par la Gestapo. Après un passage par le camp de Malines, le » Drancy » belge, ils sont déportés vers Auschwitz.
Le père et la mère sont immédiatement assassinés. Violette ne doit son salut qu’à ses connaissances musicales. Les nazis ont monté un orchestre de femmes. Lors de sa première audition, Violette massacre La Méditation de Thaïs, de Massenet. Elle est écartée. Entendue une seconde fois, elle est retenue.
Rythmer au son d’une marche le départ aux aurores des détenus vers les carrières de pierre où ils triment toute la journée, les accueillir le soir à leur retour : les obligations quotidiennes de la formation sont réduites. Mais Alma Rosé, fille du violoniste Arnold Rosé et nièce du compositeur Gustav Mahler, qui règne sur cette troupe hétéroclite où voisinent instrumentistes professionnelles et amateurs, doit aussi satisfaire les officiers du camp, lors du concert du dimanche. Des programmes élaborés, mariant musique symphonique, lyrique et légère.
» Les mêmes monstres, capables de tuer de sang-froid un enfant devant sa mère, pouvaient pleurer à l’écoute d’un lied « , aimait rappeler Violette Jacquet-Silberstein.