PTCI : l’accord pour nous pendre

Siné Mensuel N°28 – février 2014 – David Ramasseul
Vous avez aimé l’Ami, l’accord multilatéral sur l’investissement, ourdi en secret par les États-Unis et l’Europe en 1995 ? Vous allez adorer le PTCI. Après l’échec de leur entreprise de dérégulation du commerce mondial, les mêmes, ne s’avouant pas vaincus, se sont remis autour de la table, toujours dans la plus grande discrétion.
100_5955Imaginez un monde où les multinationales pourraient enfin polluer dans la sérénité et se gaver des derniers lambeaux du secteur public sous le regard impuissant des peuples et l’œil complice des gouvernements. Ce monde, c’est celui que nous concocte pour 2015 le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), un traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne dont le texte préparatoire est d’un libéralisme si échevelé qu’on préfère pour l’instant en rigoler…   Le but du PTCI, comme tous les accords de libre-échange, est de baisser les taxes sur les produits importés. Il vise aussi à « harmoniser les règles » un euphémisme pour « supprimer » toutes les entraves au commerce : l’étiquetage des produits OGM, les lois sur l’environnement, les subventions aux entreprises en difficulté, revoir le code du travail…
On passe sur la garantie de l’exception culturelle obtenue de haute lutte par le gouvernement, qui ne concerne que l’audiovisuel et n’est que « provisoire ». Un misérable cache-sexe, donc, pour dissimuler les monstruosités qui se profilent…
Le GAG du débat « démocratique » Demandez à vos amis et collègues s’ils ont entendu parler du grand marché transatlantique prévu pour 2015. « Quésaco ? » est la réponse la plus vraisemblable. Normal : le mandat, le texte qui sert de base aux négociations, n’a pas été rendu public. Seuls sont ceux qui le combattent qui le diffusent, tandis que ses promoteurs font tout pour le cacher. Les parlements des 28 gouvernements européens n’ont jamais été consultés. En revanche, le comité 207, composé des 28 fonctionnaires qui représentent les lobbies des multinationales ont été consultés à 119 reprises entre janvier 2012 et avril 2013. Résultat : 65% du mandat est l’œuvre des lobbies.
Rions un peu avec l’OMC
Partenariat_UE-USA-6a4d5Imposée par l’Organisation mondiale du commerce, la clause du traitement national, cumulée à d’autres diktats de l’OMC, oblige un gouvernement à traiter de même manière les produits importés et les produits nationaux. Or le traité prévoit d’étendre ce principe aux services, dont la santé et l’éducation : par exemple, si une boîte crée une école privée, l’État devra lui accorder les mêmes subventions qu’à un établissement public. Conséquence : le financement des services publics sera impossible et il ne restera plus qu’une solution, la privatisation de l’éducation.
La farce des vaches nourries au caca
On connaît les poulets américains lavés au chlore, moins les vaches nourries avec la fiente des poulets. C’est la dernière astuce des éleveurs américains pour alimenter le bétail à bas coût : on récupère les déjections des poulaillers, on transforme en farine, et hop, bon appétit, la Noiraude… En plus d’être dégueu, le procédé pourrait relancer la maladie de la vache folle et sa variante humaine, la maladie de Creutzfeldt-Jakob ! Sans oublier le débarquement du blé et du soja OGM, des bœufs aux hormones et autres joyeusetés… Mais pour espérer rivaliser avec l’agriculture hyperindustrialisée des Ricains après la suppression des droits de douane, nos paysans devront aussi diminuer les coûts et envisager de nourrir nos vaches avec de la crotte de poulet.
100_5956On se bidonne aussi avec la procédure d’arbitrage. Le mandat évoque le recours aux tribunaux d’arbitrage privés, une chouette façon de régler les différents entre États et investisseurs qui donne souvent raison aux seconds. Pour une raison simple : « Les cabinets juridiques vivent des litiges Or ils jouent également le rôle de conseillers des gouvernements quand il faut rédiger les clauses d’un accord », rappelle le site Reporterre. Un peu comme si un récidiviste rédigeait un loi sur le viol… Dans un accord de libre-échange, les États sont sous la menace constante  d’un recours devant ces tribunaux privés : Lone Pline réclame 250 millions  de dollars au Canada pour un moratoire sur la fracturation hyudraulique en contradiction avec l’Alena, l’accord de libre-échange signé par les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Avec le traité transatlantique, une entreprise désirant extraire du gaz de schiste en France pourrait poursuivre le gouvernement…
Un sommet de rigolade
A la demande de la Commission européenne, le Center for Economic and Policy Research a estimé à 500 000 le nombre de créations d’emplois… en 2027 et un rapport du Centre européen d’économie politique international estime que chaque citoyen gagnera 3 centimes par jour en plus… à partir de 2029. Et ça, ce sont des prévisions optimistes ! Si l’on s’intéresse aux « avancées » obtenues par les autres accord de libre-échange, l’Alena en Amérique du Nord, par exemple, on constate que le Mexique, qui était exportateurs de produits agricoles, est devenu importateur. Quant aux salaires, ils ont stagné au Mexique et ont été tirés vers le bas au Canada et aux États-Unis. Au final, l’Alena a fait disparaître entre 500 000 et un million d’emplois sur le continent Nord-américain.
Entre 1995 et 1998, 29 pays membres de l’OCDE ont négocié un accord multilatéral sur l’investissement, l’Ami, censé, déjà, faire péter un max de barrières douanières et de règles. Raté : la publication par des ONG du texte secret de l’accord a suscité un tel tollé que l’Ami n’a jamais vu le jour. On appelle cela l’effet Dracula : exposer le vampire à la lumière le tue. Fiat lux, donc.
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Christopher Lynn Hedges est un journaliste et auteur américain. Ancien correspondant de guerre, il est reconnu pour son analyse de la politique américaine ainsi que de celle du Moyen-Orient. Wikipédia

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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