Pesticides : les experts européens à la botte de l’industrie

Charlie Hebdo – 12 février 2014 – Fabrice Nicolino
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Pendant que l’on amuse la galerie avec énième plan cancer, l’industrie des pesticides infiltre les autorités de contrôle, dont l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) On comprend mieux les dégâts.
Affreux, affreux, affreux. C’est un drame comique en quatre actes. Acte premier, une étude saisissante est publiée courant décembre par la revue Biomed Research International (hindawi.com/journals/bmri/aip/179691).
Selon ses résultats, les pesticides sont analysés de travers et pourraient être jusqu’à mille fois plus toxiques que ce que prétendent les industriels. Deuxième acte le 30 janvier : quelque 1 200 médecins lancent un appel solennel. Les pesticides font des ravages, car ils provoquent des maladies comme le cancer, minent et désorganisent le système endocrinien, entraînent des malformations congénitales. Il faut interdire en priorité les épandages aériens, dont tous les poumons profitent.
Sans titre
Le troisième acte commence le 4 février, jour où notre président si bien entouré dévoile son magnifique Plan cancer. Les plans de ce genre, cela dure depuis quarante ans. En 1971, Tricky Dicky, Richard Nixon le tricheur, avait lancé aux États-Unis une « guerre totale » contre le cancer, conçue comme un programme comparable à la conquête de la lune. Il s’agissait d’en finir avec le crabe avant le bicentenaire de l’indépendance américaine, en 1976, soit cinq années plus tard. Les milliards de dollars sont allés aux labos et au matériel médical.
En France, idem. En 2003, Chirac lance en fanfare son Plan cancer à lui. A l’arrivée, en 2008, les Verts de l’époque réclament en vain la création d’une commission d’enquête parlementaire pour analyser les raisons du fiasco. Car le fiasco est total : selon les chiffres officiels, le nombre de cancers a augmenté de 107,6% cher l’homme et de 111,4% chez la femme entre 1980 et 2012. Le fric n’a servi qu’à nourrir la bête.
C’est dans ce contexte guilleret qu’il faut replacer le plan-plan de papa Hollande. Il s’agit de remettre 1,5 milliards d’euros au pot, pour « lutter contre les inégalités dans les soins« , de rabâcher que le tabac est mauvais pour la santé et, au passage, de graisser les articulations des laboratoires de recherche. Pas un mot sur les liens pourtant certains entre la contamination chimique généralisée et la dégradation générale de la santé publique, cancer inclus. Ceux qu’on appelle hormono-dépendants, comme les cancers du sein ou de la prostate, flambent sans que personne ne fournisse la moindre explication sérieuse. La règle de base reste de ne pas embêter une industrie chimique qui pèse si lourd dans les exportations. Et donc dans les chimères de croissance sans limites. Cocktail de molécules
bannerhome1Quatrième acte, enfin, le 5 février. Le réseau européen Pesticide Action Network (PAN) publie un rapport que l’on qualifiera vraiment, pour une fois, d’explosif. Sous le titre A Poisonous Injection*, c’est-à-dire « Une piqûre toxique », les détectives privés de l’ONG révèlent un pesant concubinage entre experts et industrie. Dans quel domaine ? Celui, fondamental, des mélanges de pesticides dans les aliments. Car, bien sûr, le danger réside surtout, le plus souvent, dans les cocktails de molécules qui interagissent entre elles sans demander l’autorisation du gouvernement.
Or ces experts sans lesquels aucune étude ni aucune mesure ne voient le jour sont de sombres cachottiers : 73% de ceux qui travaillent pour l’OMS sue ces sujets ont secrètement des liens puissants avec l’industrie. Et c’est le cas pour cinq des six auteurs du document cadre – qui définit la politique – de l’OMS ! En comparaison, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) paraîtrait vertueuse : 52% « seulement » de ses experts bossent parallèlement pour l’industrie.
Résultat des courses : un retard délirant dans la mise en œuvre de rares contraintes imposées aux fabricants de pesticides. Commentaire de François Veillerette, président de PAN-Europe : « Il est inacceptable que des experts ayant de forts liens avec l’industrie aient pu infiltrer l’EFSA et l’OMS pour bloquer tout progrès sur la prise en comte des mélanges de résidus de pesticides alimentaires. » On dirait même plus : inacceptable !
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