LE MONDE | 24.02.2014
François invite ses nouveaux cardinaux à ne pas cancaner
A peine nommés, déjà briefés. Le pape François a exhorté dimanche 23 février les cardinaux réunis cette semaine en consistoire sur le thème de la famille à éviter les intrigues, les on-dit et les cancans qui, depuis des siècles, alimentent la chronique, remplissent les carnets de notes des vaticanistes et font les romans à succès.
« Un cardinal intègre l’Eglise de Rome, pas une cour royale, a-t-il dit lors d’une messe célébrée en présence de 18 des 19 nouveaux cardinaux, qui ont été élevés la veille à ce rang. Que chacun de nous se détourne, et aide les autres à se détourner des habitudes des intrigues de couloir, ses ragots, et du favoritisme. Jésus n’est pas venu à nous pour nous enseigner les bonnes manières ou à bien nous tenir lors de réunions mondaines. »
Cette admonestation n’est pas neuve de la part de celui qui se veut avant tout comme un rénovateur des moeurs de l’Eglise, davantage peut-être qu’un réformateur. Pour sa part, Jorge Mario Bergoglio a déjà montré l’exemple.
MÉPRIS DES HONNEURS
En délaissant les appartements pontificaux et en continuant de vivre dans deux pièces de la résidence sainte Marthe, où il accueille le premier évêque de passage à partager son petit déjeuner, il évite de se sentir prisonnier de la machine vaticane et des coups fourrés qui se fomentent parfois à « la troisième loge », nom donné à l’étage du Saint-Siège où se concentre l’essentiel de ses pouvoirs.
En se déplaçant en Ford Focus, en Fiat ou en 4L Renault vintage, François a déjà manifesté ostensiblement le mépris des honneurs auxquels ses prédécesseurs, habitués des Mercedes papales, étaient sans doute moins indifférents. Ses chaussures noires, des grolles ou des croquenots en comparaison avec les mules rouge sombre de son prédécesseur Benoît XVI, semblent n’avoir pas d’autre objet que de marcher.
Partisan « d’une Eglise des pauvres au service des pauvres », il avait déjà prévenu par courrier les nouveaux cardinaux que leur nomination n’était en aucun cas une promotion sociale et les invitait à se dispenser de « toute expression de mondanité, toute fête étrangère à l’esprit évangélique d’austérité, de sobriété et de pauvreté », pour fêter ça.
« OBLAVITÉ GRATUITE »
« Aimons ceux qui nous sont hostiles, bénissons celui qui dit du mal de nous, saluons d’un sourire celui qui peut-être ne le mérite pas, n’aspirons pas à nous faire valoir, mais opposons la douceur à la tyrannie, oublions les humiliations subies », a poursuivi le pape François dans son homélie, insistant sur la nécessité d’un « supplément d’oblativité gratuite » (propension à se donner à autrui ou à Dieu sans attendre de réciprocité), de sainteté, que tout nouveau cardinal se doit de pratiquer.
Ce consistoire, auquel assistait Benoît XVI, aura été marqué, samedi, par la rencontre de deux papes, le précédent et l’actuel, une première depuis leur passation de pouvoir le 13 mars 2013.
Le pontife émérite de 86 ans était au premier rang, habillé tout de blanc, calotte sur la tête, parmi les cardinaux vêtus de rouge.
Il a été salué avec chaleur à son entrée par François, et de nouveau à la fin de la cérémonie. Les deux hommes se sont serré la main longuement. C’était comme si deux mondes s’étaient croisés.
Philippe Ridet ((Rome, correspondant)) Journaliste au Monde