Le numérique meurt aussi

Charlie Hebdo – 26 février 2014 –

Au fond d’un tiroir, vous tombez sur l’une de ces disquettes informatiques datant d’une vingtaine d’années et sur lesquelles vous écriviez votre journal intime, sur une vielle bande de Caméscope ou la cassette audio qui conservait vos premiers essais à la guitare. Et là, vous vous sentez con : plus aucun moyen de la lire. Si vous pensiez être sauvé en la numérisant sur CD ou un ordinateur, détrompez-vous, ça aussi, c’est périssable.

Dans le domaine scientifique, l’ampleur de ce genre de pertes vient d’être mesurée par une  étude  de Timothy Vines, chercheur à l’université de Colombie-Britannique. Il a tenté de recueillir les données originales (mesures, conditions expérimentales…) de 516 études publiées entre 1991 et 2011. Si elles restent disponibles dans les deux années qui suivent la publication, passé ce délai, les chances d’y accéder « chutaient ensuite de 17% par an. » 95 % des données scientifiques seront donc perdues d’ici une vingtaine d’années ! A l’origine d’un tel gâchis, des dossiers perdus ou égarés, mais aussi « des moyens de stockage obsolètes« .

A cela, il faut ajouter la dégradation des supports numériques avec le temps C’est ce qu’a étudié Olivier Adam, spécialiste de traitement du signal à l’université Paris-VI : « Dès l’apparition du CD, les fabricants ont voulu faire croire qu’il s’agissait d’un support éternel Mais nous avons montré que les dégradations pouvaient apparaître au bout de dix ou vingt ans, et parfois moins. Et c’est aussi le cas pour les DVD et les disques durs. » Si vous voulez avoir une chance de revoir vos photos de famille dans vos vieux jours, mieux les conserver dans un bon vieil album photo que dans un ordinateur. Comme quoi, la modernité n’est pas forcément un progrès.