Bouteflika, Algérien à changer ?

Le Canard Enchaîné – 26 février 2014 – J.-F. J.
Il est candidat à la présidence Algérienne pour la quatrième fois en quinze ans. Mais le sait-il vraiment ? C’est le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, qui a fait l’annonce de cette candidature. Président de la République depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, n’est plus d’une lucidité à toute épreuve. Depuis son accident vasculaire cérébral, en avril, il n’a prononcé que deux discours publics, et sont entourage – son frère cadet Saïd et quelques éminences de l’armée et du Renseignement – assure la marche des affaires.
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Devant cette candidature, qui rappelle le crépuscule soviétique, les Algériens, indiquent les journaux et correspondants locaux, hésitent entre deux sentiments. D’abord un besoin de sécurité et de stabilité. « Je voterai pour Bouteflika mort ou vivant » proclame un Algérois épris de paix, dans « Libération » (24/2). Encore traumatisée par la guerre civile allumée en décembre 1991par les islamistes (les estimations vont de 60 000 à 150 000 morts), une partie du pas, intériorisant la propagande officielle, assimile le changement politique au « chaos » façon printemps arabe. D’ailleurs, en 2011, lorsque la rue s’est agitée, Bouteflika a su rétablir l’ordre à coups de subventions et d’augmentations de salaire substantielles des fonctionnaires. L’homme de la réconciliation nationale, rappelle « L’Opinion » (24/2), est aussi celui des transferts sociaux (qui représentent un tiers du PIB) et de la redistribution de la rente pétrolière.
Et pourtant une grande partie des Algériens étouffe sous le régime de la gérontocratie et de la corruption institutionnelle. A l’image de certains médias, dont l’insolence n’est plus déguisé. « Ila osé », titre par exemple « El Watan » pour annoncer la candidature de Bouteflika. Et son site présente des récentes images du Président recevant un ministre koweïtien avec cette légende : « Il est vivant, il bouge ! » Mais cette liberté se paie parfois chèrement, comme le sait le patron du même « El Watan », plusieurs fois condamné pour délit de presse. Quant au caricaturiste Djamel Ghanem, il a été viré de « La Voix de l’Oranie » pour une caricature non publiée du Président ! Passible de 18 mois de prison ferme et d’une lourde amende, Ghanem a, en outre, été passé à tabac par des inconnus dans d’obscures circonstances.
La peur et le fatalisme figent pour l’instant le paysage. Mais la censure, la police et les transferts sociaux peuvent-ils longtemps maintenir le couvercle sur un pays tiraillé par les divisions régionales et l’islamisme, et où la moitié de la population à moins de 28 ans ? L’élection présidentielle aura lieu le 17 avril. Le printemps, lui, commence dans un mois.
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