Affaires Sarkoleaks –Copégate : La multiplication d’affaires judiciaires a pour première conséquence de renforcer une image négative de la politique

  Nouvel Obs Le Plus  13-03-2014
 Les risques de conflit en Crimée entre la Russie et l’Ukraine et ses conséquences en chaîne au niveau mondial peuvent éventuellement faire passer au second plan médiatique nos croquignolesques affaires hexagonales.

Sarkozy, des écoutes aux soupçons : la victimisation, une stratégie qui abîme son image

Les Français se distinguent par un regard extrêmement désabusé voire même cynique sur le monde politique et ses pratiques. Près de 7 Français sur 10 jugent leurs hommes politiques corrompus (sondage BVA – i>Télé de juin 2013), alors qu’ils n’étaient qu’un peu plus d’un sur deux à le penser il y a seulement quatre ans, au moment de l’affaire Woerth.
 La multiplication d’affaires judiciaires a donc pour première conséquence de renforcer cette image négative. Les affaires touchant à la fois la gauche (Cahuzac) et la droite (Woerth, Sarkozy), elles affectent moins la personne ou le camp incriminé que les politiques dans leur ensemble.
 Un impact mineur sur les municipales
 Les affaires actuelles risquent-elles de pénaliser la droite, notamment dans la perspective des municipales ? Probablement pas, ou bien peu.  D’abord, les sondages le confirment à chaque nouvelle affaire, c’est l’ensemble de la classe politique dont l’image est un peu plus abîmée et pas spécialement le camp concerné par l’affaire en question. Ensuite, les Français l’ont dit clairement dans nos enquêtes, ils ne tiendront pas spécialement compte de ces affaires dans leur vote aux municipales.
Tout au plus peut-on anticiper un léger impact sur l’abstention de droite, qui pourrait compenser un peu la très forte abstention prévisible de l’électorat de gauche (dans les villes de moins de 100.000 habitants en tout cas).  Il n’est pas à exclure non plus que la mobilisation déjà très forte de l’électorat FN ne soit encore un peu plus confortée par ces débats. Mais il ne faut pas attendre un impact majeur des affaires sur le vote aux municipales.
 Pour les hommes politiques, des dommages variables
 Les affaires peuvent-elles, au moins, avoir une influence décisive sur la carrière des hommes politiques ? Pas vraiment. Pour ce qui est des acteurs politiques qui se trouvent au cœur de ces scandales, les dommages pour leur image varient fortement selon leur profil.
 Cela va dépendre, par exemple, de la manière dont le politique en question a construit son image. S’il a fondé sa popularité sur une posture d’honnêteté et de rigueur (comme Lionel Jospin ou François Fillon), les conséquences d’un éventuel scandale peuvent être désastreuses.
À l’inverse, les politiques qui sont parvenus à construire leur popularité malgré l’odeur de soufre qui les entourait se « mithridatisent » (craignant un assassinat, le roi grec Mithridate absorbait régulièrement du poison afin de s’immuniser contre ses effets) et sont en général assez peu affectés par des affaires, même graves, pouvant les concerner.
JacqueschiracUn exemple : Jacques Chirac. Sa campagne de 2002 a peu souffert des rebondissements de l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, tout simplement car les Français – à tort ou à raison – ne doutaient pas une seconde de son implication dans ce domaine.
Idem pour Dominique Strauss-Kahn, dans un autre registre : sa relation aux femmes. Avant l’affaire du Sofitel, jamais sa « mauvaise » réputation et ses relations extraconjugales n’avait érodé sa popularité, même après l’affaire Pyroska Nagy au FMI.
DSK 01 Là encore, les Français avaient intégré dans leur image globale du personnage cette « faiblesse », compensée à leurs yeux par de nombreux éléments de « forces » notamment s’agissant de la compétence économique prêtée au patron du FMI. Mais bien sûr, c’était avant l’affaire Nafissatou Diallo.
La morale, un critère secondaire pour les Français
 À la différence des pays anglo-saxons, l’opinion publique française se singularise ainsi par sa capacité à voter pour des politiques dont le rapport à l’éthique, voire à la légalité peut être mis en doute.
 C’est ainsi qu’en France des personnalités politiques prises en flagrant délit de mensonge, voire de manipulation (François Mitterrand et l’affaire de l’observatoire ou des écoutes de célébrités) ou d’adultère (des cas les plus récents aux plus anciens) n’en sont souvent nullement affectées en termes d’opinion.
Dans les jours qui ont suivis l’affaire Gayet, la popularité de François Hollande n’a pas baissé d’un point. Inversement, les Français avaient été extrêmement choqués du traitement que les Américains avaient réservé à leur président au moment de l’affaire Monica Lewinski aux États-Unis. Que Bill Clinton ait pu être « ennuyé » par un tel « non sujet » était quelque chose de parfaitement incompréhensible de ce côté de l’Atlantique.
abalkany3428807 Plus fort encore : en France, des personnalités politiques sanctionnées par la justice peuvent être réélues triomphalement quelques années plus tard dans leurs communes, ou retrouver le sommet des classements de popularité auprès des Français (Juppé est aujourd’hui le n°1 sur notre cote d’influence politique BVA-Orange-l’Express-PQR-France Inter).
 En fait, les choses sont assez simples : dans le jugement des Français à l’égard de leurs hommes politiques, la perception de leur efficacité l’emporte nettement sur la vertu qui leur est prêtée. Adeptes de la real politik, les Français ont pour livre de chevet « Le prince de Machiavel ».
 La posture de recours de Sarkozy fragilisée
 Est-ce à dire que les affaires actuelles ne peuvent inquiéter en rien Nicolas Sarkozy ? Non. Bien au contraire, ces affaires pourraient même être extrêmement fâcheuses pour lui
1417120309Même si l’ex-président ne s’est jamais spécialement positionné comme un austère moraliste (un « moine cistercien » dirait-il), mais plutôt comme un pragmatique prêt à tout pour l’action, il pourrait tout de même fortement souffrir des trois affaires en cours le concernant.
 Sa mise sur écoute par les juges pour suspicion de trafic d’influence – n’est pas une bonne chose car elle réactive l’image du président hyper-interventionniste et brutal qui avait plombée sa popularité et contribuée à sa défaite de 2012.
 Mais paradoxalement, ce sont surtout les deux autres affaires, celles qui le placent en « victime » qui pourraient bien lui faire le plus de tort en termes d’image.  Qu’il s’agisse de l’affaire de la surfacturation des frais de campagne de 2012 (qui pour le moment met surtout en porte-à-faux Copé) ou surtout de l’affaire Buisson, ces deux affaires suggèrent que le « chef » a manqué de discernement, voire même qu’il s’est fait « rouler » dirait-on dans le Milieu.
 Avoir ainsi mis sa confiance entre les mains d’un homme aussi sulfureux que Patrick Buisson et l’avoir laissé orienter la campagne de 2012 en la « droitisant » à outrance, contre l’avis de nombre de ses conseillers et ministres (NKM, Le Maire, Raffarin, Juppé …) fragilise quelque peu la posture de recours que Nicolas Sarkozy entend incarner.
Pour qu’il reste un recours crédible, il lui faut absolument maintenir son image de chef à l’autorité naturelle. Or l’affaire Buisson est de nature à fragiliser cette image. Il est donc important de vite passer à autre chose, de faire oublier ces fâcheuses affaires.
 Une stratégie de diversion qui ne changera rien
 Du coup, est-il pertinent de faire diversion en accusant la gauche ? Indéniablement, la stratégie récemment mise en place à droite pour transformer ces affaires en problèmes pour la gauche fonctionne remarquablement médiatiquement.alièvre court
 Aussi incroyable que cela puisse paraître, les ministres concernés et les leaders de gauche sont tombés dans le piège en niant l’évidence (ils étaient au courant, ce qui n’est pas un crime !) et les médias ont tous couru après ce nouveau lièvre.
 Paraphrasant le vieil adage chinois, on pourrait même dire de beaucoup de journalistes dans cette affaire qu’on leur a « montré la lune, et qu’ils n’ont vu que le bout du doigt »…
 Chose fascinante, des affaires impliquant la droite et uniquement la droite, sur des présomptions extrêmement graves (un ex-président mis sur écoute car suspecté de trafic d’influence tout de même !), sont en train de devenir médiatiquement une « affaire de gauche » au prétexte que la ministre de la Justice aurait menti et le ministre de l’Intérieur probablement aussi (ils savaient très probablement une semaine avant les révélations du « Monde »).
 Pourtant, cette stratégie de diversion médiatique, même si elle fonctionne remarquablement, ne changera rien au fond du problème en termes d’opinion pour Nicolas Sarkozy. Au contraire.
 Juppé, un « recours de rechange »
 Outre qu’elle risque d’agacer quelque peu les Français (hormis les militants UMP bien sûr), cette stratégie de « victimisation » de Nicolas Sarkozy ne lui rend guère service car elle abîme singulièrement son image de recours, fondée sur la force et l’autorité du héros.
asarko victimes Faire passer le « héros » pour une « victime » est à la fois peu crédible et très peu porteur. D’ailleurs, les premiers sondages (BVA et Ifop notamment) réalisés depuis les dernières affaires montrent que celles-ci ont déjà un impact spectaculaire sur la popularité de Nicolas Sarkozy.
 44% des Français considèrent que celles-ci ont un impact sur son image, et surtout, sa popularité testée avant/après montre un recul impressionnant de six points (tout comme celle de Copé sur le baromètre Ifop-Paris Match), passant de 50% à 44% de bonnes opinions.
 À l’inverse, ceux qui, à droite, se sont tenus à distance des affaires et des polémiques autour d’elles (y compris la diversion actuelle) engrangent des points : Raffarin, Le Maire et Juppé, très diserts sur ces sujets et historiquement hostiles à la stratégie de droitisation de Buisson (ou « l’école Buissionnière ») gagnent tous deux points.  D’ailleurs, Juppé apparaît de plus en plus comme un « recours de rechange » au cas où Nicolas Sarkozy serait empêché.
 Quand une actualité chasse l’autre
 Bref, pour l’ex-président, il est capital de ne plus abîmer son capital d’opinion en tant que « recours ». Pour cela, il serait préférable, non pas de le faire passer pour une victime de la gauche qui « s’acharnerait » contre lui, car ce faisant on parle toujours des affaires, mais plutôt de passer à autre chose.
 Sacré challenge. Mais le premier tour des municipales n’est « que » dans 10 jours, et surtout, l’ex-président pourra peut-être compter sur le soutien indirect et involontaire de Vladimir Poutine.
 Les risques de conflit en Crimée entre la Russie et l’Ukraine et ses conséquences en chaîne au niveau mondial peuvent éventuellement faire passer au second plan médiatique nos croquignolesques affaires hexagonales.
 Par Gaël Sliman Directeur général adjoint de BVA
 Propos recueillis par Sébastien Billard

 Sarkozy sur écoute : Taubira a fait une faute, elle n’a pas déclenché un scandale d’État

Nouvel Obs Le PLUS –  13-03-2014 Par Jean-Marcel Bouguereau éditorialiste
 LE PLUS. Il était difficile d’imaginer que les révélations du « Monde » mettant gravement en cause Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog allaient se retourner contre… Christiane Taubira, garde des Sceaux. L’opposition hurle au scandale (et se frotte les mains). L’éditorialiste Jean-Marcel Bouguereau tient à remettre les choses en place. 
Édité par Louise Pothier
> Retrouvez cet édito sur le site de « la République des Pyrénées ».   

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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