La droite française face à la corruption
Le Monde | 13.03.2014
L’opposition est rattrapée par de multiples affaires qui touchent l’industriel et sénateur Serge Dassault, le président de l’UMP, Jean-François Copé, l’ex-conseiller de l’Elysée Patrick Buisson et Nicolas Sarkozy, l’ancien président de la République, placé sur écoute téléphonique par deux juges dans le cadre d’une enquête liée à des soupçons de trafic d’influence et de violation du secret de l’instruction.
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L’UMP en plein délitement
Le Monde | 12.03.2014
En l’espace de quelques jours, les dysfonctionnements de la droite française, mis sous le tapis depuis le conflit de fin 2012 entre M.Fillon et M.Copé, ont été à nouveau exposés.
Au-delà de leur dimension judiciaire, ces «affaires» (Copé, Buisson, Sarkozy) fournissent des pistes pour comprendre ce qu’est devenue l’UMP et décrypter quelle forme partisane elle incarne.
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Le trafic d’influence est devenu l’instrument du pouvoir contemporain
Le Monde 14 mars Extrait
Sarkozy, Buisson, Copé. Avant eux Tapie, Guéant, encore Copé et Sarkozy toujours. Sans oublier Cahuzac, Guérini (Marseille), Kucheida (Liévin), DSK et son Carlton… Tel s’égrène le quotidien des » affaires « .
Le début d’une campagne présidentielle féroce pour 2017 n’explique pas tout. Il existe des maux autrement plus profonds : la montée des trafics d’influences et l’amateurisme d’une classe politique qui ne se rend pas compte que les conditions de l’action politique ont changé. Le trafic d’influence est le nom élégant de la corruption. Le délit consiste dans l’octroi ou la promesse d’avantages quelconques (décorations, emplois, marchés, décisions favorables ou abstentions de décision) par une personne exerçant une fonction publique en échange d’avantages pour elle.
Le nombre de personnes exerçant une fonction publique (dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif) a considérablement augmenté, multipliant par là même les occasions de trafic.
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Reste qu’il est difficile d’établir le délit : il faut démontrer un lien de causalité entre offre de récompense et contrepartie. Or ce sont là des choses qui se disent plus qu’elles ne s’écrivent, surtout à l’époque du portable. Toutes ces conditions font du trafic d’influence l’instrument par excellence d’exercice du pouvoir contemporain. Il y a d’un côté les apparences de la démocratie et les lois censées définir le cadre des activités et, de l’autre, les décisions politiques au quotidien qui font l’objet de transactions entre initiés. La démocratie est l’apparence, l’oligarchie l’effectivité. Les réseaux de relations et d’affaires, ceux du gotha et de la haute fonction publique opèrent sur le mode de l’initiation (délits d’initiés), sur le mode de la criminalité en col blanc, voire mafieuse (interventions croisées, solutions négociées, arbitrages joués d’avance, prises illégales d’intérêt).
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Tous les juges qui ont instruit des cas de trafic d’influence ont dit, à un moment ou un autre, leurs soupçons et leur désarroi – car ils parviennent rarement à établir des preuves compte tenu de la subtilité des montages, de l’omerta et de l’ingéniosité procédurière des avocats. S’il y a une ingénierie financière qui permet de frauder légalement le fisc, il y a aussi une ingénierie pénale qui permet de savoir à quoi on s’expose et comment s’en sortir. Dans ces conditions, les juges sont voués à paraître s’acharner sur ces pauvres victimes que deviennent les politiques impliqués à répétition dans les » affaires « .
Là où le monde politique et médiatique voit une guerre de politiciens habiles, les citoyens perçoivent, eux, l’image navrante d’une classe corrompue qui se comporte, qui plus est, avec un amateurisme sidérant.