Japon – Iwao Hakamada libéré après 48 ans dans le couloir de la mort

Le Monde | 01/04.2014
Il aura fallu près de cinquante ans et une analyse ADN pour confirmer que le sang des vêtements n’était pas celui d’Iwao Hakamada.
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Quarante-huit ans. C’est le temps qu’Iwao Hakamada aura passé dans le couloir de la mort japonais, à attendre la pendaison. La justice de l’Archipel l’avait condamné à la peine capitale en 1980 pour un crime commis le 30 juin 1966. Né en 1937, ancien boxeur, il était accusé du meurtre d’une famille de quatre personnes à Shizuoka (centre).
Vendredi 28 mars, la Haute Cour de Tokyo a confirmé une décision prise la veille par le tribunal de Shizuoka. Il est possible « que des preuves importantes aient été fabriquées, avait estimé le juge Hiroaki Murayama. La possibilité de l’innocence est relativement élevée et il apparaît profondément injuste de prolonger la détention de l’accusé ».
L’annonce de sa libération a ravivé les critiques du système judiciaire japonais, dont la reconnaissance de culpabilité repose principalement sur l’aveu, obtenu pendant la garde à vue, qui peut durer trois semaines, sans véritable contrôle. Le taux de condamnation dépasse les 99 %.
Iwao Hakamada avait avoué avant de se rétracter, expliquant avoir été maltraité par la police. Il avait été interrogé 240 heures pendant vingt jours. Les preuves du crime étaient des vêtements tachés de sang. Pour les enquêteurs, ils appartenaient à l’ancien boxeur. Or ils étaient trop petits pour lui. Un juge du procès, Norimichi Kumamoto, avait avoué avoir eu des doutes sur sa culpabilité. Rongé par les remords, il avait démissionné et aurait même envisagé de se suicider.

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Il aura fallu près de cinquante ans et une analyse ADN pour confirmer que le sang des vêtements n’était pas celui d’Iwao Hakamada. La victoire est celle de sa soeur, Hideko, 81 ans, de l’association des boxeurs professionnels et d’Amnesty International, qui se sont battus pour faire reconnaître son innocence. « C’est comme un rêve », a déclaré Hideko Hakamada.

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140327122705-hakamada-1-horizontal-galleryIwao Hakamada ne sort pas indemne de ses quarante-huit années de détention. Au Japon, un condamné à mort reste sans contact avec l’extérieur dans une cellule de 5 m² éclairée et surveillée en permanence.
Le ministre de la justice, Sadakazu Tanigaki, n’a ni voulu commenter la libération de M. Hakamada ni souhaité s’exprimer sur la peine de mort au Japon. « Je pense qu’il existe une diversité de points de vue sur la question », s’est-il borné à déclarer. En 2013, il a ordonné huit exécutions à mort.
PEU DE CHANCES D’ABOLITION
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Malgré la couverture médiatique de l’événement, il y a peu de chance qu’un vrai débat émerge au Japon sur la peine de mort. Les médias l’évitent et les autorités agitent en permanence le chiffon rouge de l’insécurité, même si la criminalité recule depuis 2002.
La justice japonaise évolue, mais très lentement. Un système de jury a été mis en place en 2009 et les avocats ont plus de droits. L’enregistrement limité des gardes à vue est désormais possible.
Le combat pour l’abolition s’annonce encore long. En 2003, une stèle a été érigée dans le cimetière du temple Dairinji à Takarazuka, près d’Osaka. Elle mentionne un appel à l’abolition de la peine capitale et le poème d’un condamné à mort : « Je veux crier si fort, sous la pleine lune hivernale, qu’elle finisse par se briser. »
Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance) Journaliste au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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