Canada – Projet d’oléoduc Northern Gateway ? : La décision de sortir la baleine à bosse de la liste des espèces menacées suscite la polémique

LE MONDE | • 27.04.2014 | Montréal Correspondance

Le Canada accusé de sacrifier les cétacés à un oléoduc

Existe-t-il un rapport entre la décision du gouvernement canadien de sortir la baleine à bosse du statut d’espèce menacée et le prochain arbitrage que doit rendre ce même gouvernement, en juin, sur le projet d’oléoduc Northern Gateway ?

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Un certain nombre de membres de l’opposition, de mouvements écologistes ou de défense des peuples autochtones en sont persuadés. Ils dénoncent, dans le décret publié le 20 avril au Journal officiel canadien, une décision politique visant à alléger les obligations des promoteurs de Northern Gateway en matière de protection de  » l’habitat essentiel  » des baleines.
Le gouvernement fédéral justifie sa décision par le fait que les baleines à bosse se trouvent  » en plus grande abondance  » qu’il y a vingt ans au large des côtes occidentales canadiennes. Il s’appuie sur un rapport du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (Cosepac), un organisme scientifique indépendant qui a conclu, en 2013, que la baleine à bosse, sans être hors de danger, pouvait désormais être classée comme  » espèce préoccupante « .
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Après le nouveau report, le 18 avril, de la décision américaine concernant le projet d’oléoduc Keystone XL, censé acheminer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta vers le golfe du Mexique, la décision sur Northern Gateway, projet de la société Enbridge tourné vers le Pacifique et le marché asiatique, est très attendue.

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L’oléoduc, dont le coût est estimé à 7,9 milliards de dollars canadiens (5,2 milliards d’euros), acheminerait à travers les Rocheuses, sur 1 172 kilomètres, 525 000 barils de pétrole par jour, jusqu’au terminal de Kitimat, village du nord de la Colombie-Britannique, situé au fond d’un long chenal menant à la mer, face à l’archipel Haida Gwaii : deux aires marines très fréquentées par les baleines à bosse, qui comptent parmi les plus gros cétacés au monde.
Ottawa se comporte en  » porte-étendard  » des industriels, déplore Keith Stewart, de Greenpeace Canada. Art Sterritt, du groupe autochtone Coastal First Nations, dénonce la  » science vaudoue  » utilisée selon lui pour  » jeter de la poudre aux yeux et favoriser Northern Gateway « . Karen Wristen, du groupe écologiste Living Oceans Society, estime que le déclassement  » n’a aucun fondement scientifique et constitue une manœuvre politique pour faciliter l’approbation de l’oléoduc « .
Rapidité  » surprenante « 
Les biologistes du Cosepac défendent leur position. Directeur du laboratoire sur les mammifères marins de l’université de Colombie-Britannique, Andrew Trites estime qu’il s’agit d’une  » bonne décision, basée sur la biologie « .  » L’espèce n’est plus menacée et la population est en hausse depuis la fin de la chasse à la baleine « , en 1972, assure-t-il. Il y aurait désormais entre 18 000 à 20 000 baleines à bosse dans le Pacifique Nord et 2 200 individus passent l’été près des côtes de Colombie-Britannique.

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Déclaré espèce en danger en 2005, le cétacé a vu sa population  » augmenter de 4 % par an depuis le début des années 1990 « , indique le décret fédéral. La Fondation David Suzuki, influent mouvement écologiste, ne conteste pas le bien-fondé scientifique du décret, mais juge  » surprenant qu’il ait été pris si rapidement, alors qu’un changement de statut d’espèce prend généralement plusieurs années « .
Pour l’un de ses chefs de projets scientifiques, Jean-Patrick Toussaint,  » l’approbation du Northern Gateway ouvrirait la voie à un nouveau développement des énergies fossiles et à une hausse du trafic maritime dans l’ouest  » du pays. Il ne faut pas relâcher la surveillance de l’espèce, ajoute-t-il, car avec moins de protection et davantage de risques de mortalité,  » elle pourrait facilement décliner de nouveau « .
 » Le gouvernement agira-t-il alors aussi vite pour remettre la baleine à bosse sur la liste des espèces menacées ? « , s’interroge-t-il.
Par Anne Pélouas (Montréal, correspondance)

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