France Télévisions fait un gros malaise

Charlie Hebdo – 14 mai 2014  Laurent Léger
Tout n’est pas que paillettes dans le merveilleux monde de la télé. Un rapport pointe les tensions et le climat social explosif dans le groupe audiovisuel public.
Non, ce n’est pas l’affaire judiciaire instruite par le juge Van Ruymbeke qui fiche le bourdon aux salariés de France Télévisions, avec ses premières mises en examen qui ont fait plutôt marrer dans les couloirs de la télé publique. Les causes profondes remontent à la réorganisation du groupe et à la complexité de sa mise en œuvre, après la loi de 2009 sur l’entreprise commune. En plein plan de départs volontaires, accepté et signé fin avril par les syndicats, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du groupe a voulu faire le point sur l’état des troupes. Et bien, le résultat n’est pas joli joli ! Charlie a décortiqué le rapport (lire ci-dessous) de 156 pages remis le 31 mars dernier par le cabinet Émergences, et dévoilé par l’Express sur son site. Avec son plan de départs, France Télévisions espère se débarrasser de 361 salariés et économiser 30 millions d’euros par an.
Faut dire que, à lire ce rapport, la réorganisation du groupe a autant généré de la « confusion » que des « glissements de pouvoir » : apparition de nouvelles strates hiérarchiques, centralisation de la planification, perte d’autonomie de certaines directions, volonté de standardiser des fonctionnements se heurtant aux pratiques de terrain… Moins de chargés de production en interne, plus d’externalisation : de quoi créer des situations curieuses, car si l’externalisation n’engendre « pas systématiquement une sous-activité des équipes techniques« , ces dernières « peuvent être sollicitées par ces prestataires qui utilisent leurs ressources, les mettant ainsi en situation de prestation« . En résumé, les salariés permanents se muent ainsi en prestataires des prestataires extérieurs.
Armoire avantLe pire, c’est peut-être la sous-charge de travail, mal gérée, mal anticipée, qui semble s’être répandue, notamment dans les métiers les plus techniques de France Télévisions [opérateurs de prise de son et de vues, documentalistes, peintres, réalisateurs d’antenne], instillant ennui, angoisse, sentiment d’inutilité et, au final, précarisation chez les salariés concernés. « Le fait qu’on n’a pas grand-chose à faire me fait dire qu’on ne sert pas à grand-chose » a ainsi répondu un salarié aux enquêteurs du cabinet d’audit. S’est ainsi développé le sentiment du « bouche-trou » invisible vécu par des salariés, souvent dégoûtés par une mobilité interne particulièrement lourde à mettre en œuvre et une absence de communication. Quant aux « placards », leur nombre important a pousser les auditeurs à y revenir longuement dans leur rapport [lire l’extrait].
Résultat, il y a « unanimité des agents de France Télévisions sur la mauvaise ambiance qui règne partout dans l’entreprise« . Avec un danger : « le manque de maîtrise globale du projet » de départs volontaires et « l’approximation des mesures d’accompagnement » risquent de conduire directement à « l’émergence de risques psycho-sociaux« . Des salariés souffrant de graves problèmes de santé, des AVC et des tentatives de suicide sont déjà régulièrement recensés, et cela risque d’empirer, à en croire le rapport. Y a-t-il un médecin à France Télévisions ?
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Extrait du rapport commandé par le CHSCT de France Télévisions

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