Affaire UMP – Nicolas Sarkozy est « tombé de l’armoire » en découvrant l’affaire Bygmalion : Petit lexique des éléments de langage politique

acope-mutio
Rue89 27/05/2014

« Tomber de l’armoire », « part de vérité » : les mots de la crise à l’UMP

Que dit vraiment Lavrilleux lorsqu’il évoque en direct à la télé le train fou de la campagne ? Et Fillon, et l’entourage de Sarkozy, lorsqu’ils empruntent à de Gaulle ou Mitterrand ? Petit lexique.
Pour désigner un langage dégradé, le général de Gaulle, qui aimait les mots étranges, parlait de volapük. Ses lointains héritiers, les cadres de l’UMP, ont créé leur propre volapük, fait d’euphémismes et de formules plus ou moins gaulliennes.
Depuis deux jours, ils nous jouent cette musique qui, dans le contexte des déchirements shakespeariens internes au parti, n’est pas sans drôlerie. Embryon de lexique, qui ne demande qu’à être complété.
1 – « Se mettre en réserve »
Mardi matin, François Fillon demande à Jean-François Copé de « se mettre en réserve du parti ». Comprendre : dégager. « Se mettre en réserve », dans la famille gaulliste, est une expression qui se veut flatteuse. C’est le général qui l’a rendue célèbre. Début 1946, se retirant dans sa maison de Colombey-les-Deux-Eglises, le général s’est mis lui-même « en réserve de la République ».
Pompidou « en réserve de la République »
En septembre 1968, lors d’une conférence de presse, de Gaulle a expliqué qu’il avait placé Pompidou « en réserve de la République », c’est-à-dire viré. Voici le passage (notez l’imparfait du subjonctif) : « Il était bon qu’il fût, sans aller jusqu’à l’épuisement, placé en réserve de la République. C’est ce qu’il souhaitait. C’est ce que j’ai décidé, en l’invitant, comme on sait, à se préparer à tout mandat qu’un jour la nation pourrait lui confier. »
2 – Intendance »
Sur RTL, Philippe Briand, trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy, a eu lui aussi des hoquets gaulliens : « Je n’ai jamais vu Nicolas Sarkozy donner aucune consigne sur ses comptes de campagne. J’allais dire entre guillemets qu’il ne s’occupait pas de l’intendance. »
Henri Guaino, ex-plume de Sarkozy, interrogé sur le degré de connaissance de l’ancien Président dans l’affaire Bygmalion, a utilisé ce mardi matin la même formule : « Un candidat, il est submergé par les problèmes politiques de la campagne, l’intendance suivra… »
Renvoyer à l’intendance, c’est une façon de disculper le patron, au-dessus de toutes ces avanies : adressez-vous donc aux sous-fifres.
De Gaulle et ses factures d’électricité
« L’intendance suivra » : empruntée au vocabulaire militaire, on prête cette interjection au général de Gaulle : manière de dire que les comptes et les petites pièces, ce n’est pas le domaine d’un chef d’Etat. On lui a d’ailleurs fait le reproche, au général : « Les Français sont aussi intéressés par leur porte-monnaie. » De Gaulle a donc démenti avoir eu de tels propos (« Ce sont des blagues pour les journaux »).
Promis, juré : le général s’intéresse autant aux affaires matérielles qu’à la marche de l’histoire. Ses descendants autoproclamés (Briand est signataire du Rassemblement gaulliste) s’éloignent donc du grand homme lorsqu’ils affirment que Sarkozy n’avait pas à se préoccuper des contingences matérielles. Mais s’il n’y avait que ça… On dit souvent que le général tenait à payer les factures d’électricité de ses appartements de l’Elysée.
3- « Ma part de vérité »
« Croyez-moi, je préfèrerais être planqué quelque part aujourd’hui plutôt que de venir à la télé dire les choses, ma part de vérité », a déclaré, la voix blanche, Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Jean-François Copé et élu dimanche député européen.
Ici, on n’est plus avec de Gaulle, mais avec Mitterrand. En 1969, le futur président socialiste publie un livre pour recoller les morceaux d’une gauche en miettes. Le titre : « Ma part de vérité ».
Comme Lavrilleux, il pose en bougre honnête (« Berrichon »), pris dans les bourrasques de l’événement : « Le mitterrand était un mesureur de grains, modeste profession qui s’exerçait dans les foires. »
Attention, je ne tomberai pas seul
Avec les affaires de la mitterrandie, le terme se charge en excuses contrites. « La part de vérité » devient le cri blessé de la victime expiatoire, mi-remord du magouilleur, mi-menace voilée. Une façon de dire, attention, je ne tomberai pas seul. C’est André Guérini qui, lâché par le PS, promet de donner sa « part de vérité » dans un livre. C’est encore Jean-Pierre Kucheida qui, accusé d’avoir utilisé la carte bleue d’un bailleur social, jure qu’il va donner sa « part de vérité » devant le tribunal de Douai (Nord)…
Mais il y a un flou derrière la « part de vérité ». Une gruge assumée. Si ce n’est qu’une part, ce n’est donc pas la vérité. Ainsi, Cécile Duflot joue avec malice du mot : « Je n’ai aucun malaise avec Manuel Valls, j’ai ma part de vérité. »
A d’autres.
4 – « Tomber de l’armoire »atomber de haut ou armoireNicolas Sarkozy est « tombé de l’armoire » en découvrant les derniers soubresauts de l’affaire Bygmalion. C’est ce qu’affirme « son entourage », indique Le Parisien.
L’expression est assez surannée, pour ne pas dire un peu ringarde. Dans la famille gaulliste, elle a pris une résonance particulière depuis que Jacques Chirac l’a utilisée pour décrire sa réaction en apprenant la trahison d’Edouard Balladur, en juin ou juillet 1994 : « Jacques, je ne serai jamais votre Premier ministre », lui avait-il dit, décillant brutalement celui qui se préparait à être candidat. « Je suis tombé de l’armoire », a raconté Chirac à plusieurs reprises (on en trouve une trace dans un livre d’Anne Sinclair).
L’expression fétiche des Balkany
A l’UMP, on entend très souvent la formule. C’est l’expression fétiche des Balkany. Henri Guaino l’a utilisée lorsqu’il a appris les écoutes de Patrick Buisson. A noter qu’on peut, à l’instar d’Alain Juppé, tomber « un peu » de l’armoire. En se raccrochant aux branches, probablement…
Valérie Trierweiler, elle, avait au moins passé un petit coup de neuf sur l’expression : c’est d’un gratte-ciel qu’elle est tombée quand elle a appris la relation entre François Hollande et Julie Gayet.
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5 – « Le train fou »
6- « Ventiler »
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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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